Cette semaine, JustWatch voit Jay Kelly (2025) grimper dans les Streaming Charts ! Le nouveau film de Noah Baumbach s’est ainsi hissé dans le haut de notre classement hebdomadaire. Reconnu également par les Golden Globes, il a obtenu deux nominations dans les catégories Meilleur acteur dans un film musical ou une comédie (George Clooney) et Meilleur acteur dans un second rôle (Adam Sandler).
Jay Kelly est particulièrement apprécié par les cinéphiles, car son récit pseudo-biographique s’inscrit pleinement dans le milieu du cinéma. Le film se concentre sur l’acteur fictif incarné par George Clooney, qui remet en question sa vie professionnelle et personnelle après le décès de son mentor. Cet aspect auto-réflexif -un acteur jouant le rôle d’un acteur- confère au film à la fois son humour et son pathos. Il relève par ailleurs d’une tradition de films qui explorent la mise en abyme de la profession, certains ayant même une influence directe sur l’approche du cinéaste.
En profitant du succès de Jay Kelly, je vous propose ici de découvrir quelques-uns des meilleurs exemples de films dans lesquels des comédien.nes incarnent des comédien.nes fictifs-ves. Des œuvres riches en références et en easter eggs pour le plaisir cinéphile.
Boulevard du crépuscule (1950)
Le chef-d’œuvre de Billy Wilder est sans doute l’exemple le plus emblématique de ce genre. Porté par un regard incisif, non dénué d’humour, sur le star système hollywoodien, Boulevard du crépuscule (1950) livre le récit tragique de Joe Gillis, scénariste en détresse qui, après avoir rencontré Norma Desmond, une vedette du cinéma muet désormais tombée dans l’oubli, se trouve pris au piège des illusions qu’elle entretient sur elle-même ainsi que de son amour obsessionnel pour lui.
Au-delà de l’ingéniosité du récit, qui se déroule à rebours -le meurtre de Gillis étant annoncé dès le début- le film de Wilder témoigne pleinement d’un moment charnière dans l’histoire du cinéma et rend hommage aux légendes du cinéma muet. À commencer par la performance inoubliable de Gloria Swanson, star mythique des années 1920 dont le parcours reflète presque à la lettre celui de son personnage. Le film réunit également d’autres noms majeurs de l’époque, tels que Erich von Stroheim, qui incarne Max von Mayerling, version fictive de lui-même, Buster Keaton ou encore Cecil B. DeMille.
Nul besoin de rappeler que Boulevard du crépuscule est un film indispensable pour tout cinéphile. Mais si vous ne l’avez pas encore vu et que vous vous intéressez aux récits méta sur Hollywood -comme Babylon (2022) ou Once Upon a Time… in Hollywood (2019)- vous y retrouverez la source essentielle de leur influence.
La Nuit américaine (1973)
Même si le film ne comporte pas d’allusions directes, il est impossible de ne pas penser à ce grand classique de François Truffaut en regardant Jay Kelly. Porté par une cohorte de personnages vibrants et drôles, parfois volontairement conformes à certains clichés, Noah Baumbach y suit assurément une démarche « truffautesque ». La Nuit américaine (1973) immerge son audience en plein tournage, où Truffaut lui-même incarne un cinéaste.
Avec son acteur fétiche Jean-Pierre Léaud dans le rôle d’Alphonse -une réitération de son persona, très proche d’Antoine Doinel- entouré de nombreuses figures du cinéma français telles que Jacqueline Bisset, Nathalie Baye, Valentina Cortese et Jean-Pierre Aumont, le réalisateur explore les frontières poreuses entre la vie et le cinéma.
La Nuit américaine s’inscrit clairement dans la lignée des hommages cinématographiques à la Wilder, mais son ton est ici beaucoup plus léger et divertissant. Véritable lettre d’amour au cinéma, notamment à l’artisanat et aux techniciens qui se cachent derrière la caméra, le film dégage la même sentimentalité que Baumbach lorsqu’il fait dire à son protagoniste : « Tous mes souvenirs sont des films. »
Irma Vep (1996)
Dans la tradition des films contenant un autre film, Irma Vep (1996) d’Olivier Assayas reste peut‑être relativement obscur pour le grand public, mais le film établit une filiation directe avec le cinéma de Truffaut, notamment grâce à la participation de Jean‑Pierre Léaud qui campe cette fois le personnage de René Vidal, réalisateur en quête de renaissance à travers le projet de remake de Les Vampires (1915) de Louis Feuillade.
Même si Irma Vep met en scène, avec un humour sarcastique, toutes les difficultés bureaucratiques et financières qu’une production peut traverser, il gravite avant tout autour de la force magnétique de Maggie Cheung, épouse future du cinéaste, qui joue une version fictive d’elle-même.
Le film reste également très marquant grâce à l’accent qu’il met sur l’exotisation opérée par le regard occidental, mais aussi sur l’obsession auteuriste du cinéma français. Si le pitch vous intrigue, sachez qu’Assayas a également réalisé un reboot sous forme de mini-série, avec un casting comprenant Alicia Vikander -remplaçant le personnage de Maggie Cheung, Vincent Macaigne, Adria Arjona, Jeanne Balibar ou Vincent Lacoste, parmi d’autres.
The Artist (2011)
Sans que beaucoup s’en rendent compte, les bouleversements de l’industrie cinématographique liés à l’arrivée du son ont fait l’objet de plusieurs films, à différentes périodes. Véritable phénomène des années 2010 grâce à son triomphe aux Oscars, mais relativement oublié aujourd’hui, The Artist (2011) de Michel Hazanavicius s’inscrit pleinement dans cette tradition.
Dans le film, Jean Dujardin incarne George Valentin, grande star du cinéma muet dont la vie est bouleversée à la fois par l’avènement du cinéma parlant et par sa rencontre avec la jeune actrice prometteuse Peggy Miller, interprétée par Bérénice Bejo. Rappelant par endroits le récit d’Une étoile est née, en particulier les versions de Wellman ou de Cukor, The Artist excelle avant tout comme hommage stylistique à l’ère du muet.
La performance oscarisée de Jean Dujardin est d’autant plus remarquable qu’il se transforme entièrement en acteur des années 1920, en embrassant la dimension physique et gestuelle propre à ce type de jeu. S’inscrivant lui aussi dans une lignée esthétique comparable, Nouvelle Vague (2025) de Richard Linklater pourrait d’ailleurs vous servir de point de référence si vous n’avez pas encore vu ce film mais êtes curieux de le découvrir.
Avé, César ! (2016)
Le parcours remarquable des frères Coen a connu des hauts et des bas -plutôt des bas depuis qu’ils travaillent séparément, d’ailleurs- et cette comédie parodique figure, pour certains, parmi leurs films les moins réussis. Avec le recul toutefois, Avé, César ! (2016) demeure un film drôle, volontiers outrancier, qui nous ramène dans les coulisses du cinéma hollywoodien des années 1950 à travers une série de performances marquantes -notamment celles de Ralph Fiennes, Alden Ehrenreich et Channing Tatum, mais surtout celle de George Clooney, qui signait alors sa quatrième collaboration avec les cinéastes.
Considérablement différent de son personnage dans Jay Kelly, Clooney incarne ici Baird Whitlock, un comédien simple et un peu naïf, enlevé sur le tournage d’un film par un groupe de scénaristes marxistes décidés à dénoncer les injustices du système. Les Coen s’appuient moins sur le charisme naturel de Clooney que sur son potentiel burlesque et bouffon, qu’ils exploitent pleinement.
Même si les deux films relèvent de registres distincts, l’humour d’Avé, César ! n’est pas sans écho avec celui de Jay Kelly. Toujours dans cette veine de comédie absurde, et toujours avec George Clooney, je vous recommande vivement O’Brother (2000) ou Burn After Reading (2008), également signés par les frères Coen.
La La Land (2016)
La comédie musicale qui a fait fondre les cœurs avec l’histoire d’amour « en-chantée » entre Seb et Mia n’a peut-être pas de liens aussi étroits avec le milieu cinématographique que d’autres films cités dans cette liste. Mais en même temps, le réalisateur Damien Chazelle accorde une place importante au cinéma dans La La Land (2016), qu’il place au cœur de cette véritable usine à rêves qu’est Los Angeles.
Sur le fond d'une atmosphère onirique en couleurs vives, le film raconte l’histoire d’un couple : Mia (Emma Stone), qui rêve de devenir une actrice renommée, et Seb (Ryan Gosling), un pianiste de jazz qui cherche lui aussi à établir une carrière. La La Land comprend de nombreux hommages aux comédies musicales iconiques du XXᵉ siècle -même si la relation entre les deux personnages semble relever de certains clichés, Chazelle réussit à y apporter une gravité émotionnelle qui équilibre le côté « magique » de l’image. Un classique moderne dont les chansons restent gravées dans nos esprits, La La Land va surtout plaire aux romantiques qui aiment voir la vie représentée et racontée sous le prisme nostalgique et sentimental du cinéma.
Once Upon a Time in… Hollywood (2019)
Avec Once Upon a Time in… Hollywood (2019), nous découvrons une Los Angeles complètement différente de celle que Damien Chazelle dépeint dans La La Land : une ville bourdonnante, mouvementée et éclatée, mais très sinistre sous la chaleur et la poussière. Amateur de « révisionnisme historique », Quentin Tarantino livre ici deux récits parallèles : l’un centré sur Rick Dalton, acteur autrefois reconnu à la télévision mais désormais en déclin, et sa doublure de cascade, Cliff Booth ; l’autre autour de la secte de Charles Manson et de Sharon Tate, menant vers l’acte horrifique qui coûta la vie à l’actrice. Mais, comme dans Inglourious Basterds (2009), le cinéaste procède à une ingénieuse réécriture de l’histoire -non sans un massacre sanglant !
Avec Leonardo DiCaprio, Brad Pitt et Margot Robbie dans les rôles principaux, mais aussi grâce à des performances secondaires très marquantes de Margaret Qualley, Mikey Madison, Austin Butler et bien d’autres, le film démontre encore une fois le talent du cinéaste pour naviguer dans un récit choral où chaque personnage est intéressant et vivant. Profondément inspiré par l’esthétique des films de série B, souvent éclipsés par l’âge d’or hollywoodien des années 1970, Once Upon a Time in… Hollywood est un film indispensable pour le plaisir cinéphile -mais pas le meilleur du cinéaste !
Babylon (2022)
Damien Chazelle a poursuivi son hommage à Hollywood avec Babylon (2022), un film qui se déroule autour de trois personnages travaillant dans l’industrie hollywoodienne des années 1920. Le récit, construit autour du passage du muet au parlant, pourrait rappeler The Artist : mais le film de Hazanavicius reste très sage en comparaison avec l’ambition et l’excès stylistique de Chazelle. Le réalisateur privilégie une approche baroque dans sa mise en scène, notamment dans de longues séquences de fêtes -et d’orgies !- assez explosives. Avec Margot Robbie, Brad Pitt et Diego Calva dans les rôles principaux, le film n’a rien à reprocher du côté des performances, mais le fil narratif reste assez lâche, sans atteindre à aucun moment un véritable paroxysme dramatique.
Le film est aujourd’hui considéré comme un échec commercial, car les spectateurs -moi y compris- ont été moins enthousiasmés par Babylon que par La La Land, surtout en raison de l’accent mis sur la grandeur et l’extravagance. Si vous aimez les projets ambitieux à grande échelle sur l’industrie hollywoodienne, comme The Studio (2025-), The Player (1992) ou encore Boogie Nights (1997), ou si vous avez apprécié le rythme dynamique et parfois frénétique de Whiplash (2014), Babylon pourrait devenir un coup de cœur pour vous !
















































































































