On parle souvent de « la magie du cinéma » comme si les images en mouvement sur le grand écran avaient un pouvoir spécial qui nous captive et nous immerge dans un récit imaginaire alors que tout cet impact provient de la prouesse technique, des effets d’illusion et de trucage dont l’origine remonte aussi aux spectacles des illusionnistes.
Quand les films eux-mêmes racontent des histoires sur les métiers de la prestidigitation et de l’illusionnisme, ces aspects se superposent et donnent lieu à des propositions inventives et intelligentes qui déploient un langage visuel plein de surprises. Créée en 2013 par Boaz Yakin et Edward Ricourt, la franchise Insaisissables est l’un des exemples les plus réussis de rencontre entre les pratiques de l’illusionnisme et du cinéma – surtout parce que les films s’ancrent tout aussi bien dans le thriller et le film de casse.
Avec Jesse Eisenberg, Woody Harrelson, Dave Franco et Isla Fisher en tête d’affiche, la série comprend actuellement trois films – un quatrième ayant déjà été annoncé en avril dernier. À l’occasion du succès inattendu du troisième volet, Insaisissables 3 (2025), dans les salles françaises – qui éclipse même le très médiatisé Running Man (2025) – JustWatch France vous a préparé un classement des meilleurs films sur les illusionnistes.
8. L’Incroyable Burt Wonderstone (2013)
Réalisé par Don Scardino et porté par un casting extraordinaire composé de légendes de la comédie comme Steve Carell, Jim Carrey et Steve Buscemi, L’Incroyable Burt Wonderstone (2013) apparaît sur le papier comme une hilarante comédie aux touches parodiques. Mais l’exécution n’est pas tout à fait à la hauteur du potentiel humoristique de ses interprètes – à moins que vous ne privilégiez l’originalité du récit.
Le film est centré sur un magicien, Burt – le personnage de Carell – qui, après de nombreuses années passées sur scène, perd sa créativité. Sa rupture avec son collègue Anton (Buscemi) le laisse seul face à l’ascension d’un illusionniste de rue (Carrey), qui fascine le public avec ses numéros extrêmes. Malgré l’excentricité de ses personnages et son univers las-vegasien très coloré, L’Incroyable Burt Wonderstone reste une comédie classique, penchant vers le feel-good. Toujours dans le monde du spectacle, mais avec la maîtrise comique sans égale de Jim Carrey, je vous conseille plutôt de vous tourner vers Man on the Moon (1999) de Miloš Forman.
7. L’Illusionniste (2006)
L’année 2006 a été marquée par une curieuse coïncidence pour la thématique de cette liste, puisque les salles ont accueilli deux films consacrés à l’illusionnisme : L’Illusionniste (2006) et Le Prestige (2006). Pour moi, il n’y a pas vraiment de discussion quant à déterminer lequel des deux est supérieur, mais les cinéphiles ont souvent tendance à les aborder en lien l’un avec l’autre. Réalisé par Neil Burger, L’Illusionniste voit Edward Norton incarner Eisenheim, magicien de grande réputation dans la Vienne du XIXᵉ siècle. Eisenheim y retrouve son amour de jeunesse, Sophie, désormais fiancée au prince Léopold. Mais leurs retrouvailles attisent la jalousie et la cruauté du prince.
Sur le plan narratif, l’illusionnisme sert ici davantage d’instrument, voire de thème permettant de faire avancer l’histoire ; en réalité, Burger signe un film d’époque relativement conventionnel, qui s’appuie surtout sur la romance et le thriller psychologique. La photographie rétro-sépia, très en vogue à l’époque, paraît aujourd’hui un peu datée, et Paul Giamatti, dans un rôle secondaire, livre une performance bien plus mémorable que celle de Norton.
6. Magic in the Moonlight (2014)
Là où L’Incroyable Burt Wonderstone s’intéresse au côté spectaculaire du métier, Magic in the Moonlight (2014) de Woody Allen s’empare d’une tension que l’on retrouve dans beaucoup de films sur l’illusionnisme, fondée sur la scission entre le monde scientifique et le monde des croyances. Le cinéaste nous amène sur la Côte d’Azur des années 1920, où Stanley Crawford, illusionniste anglais renommé, est chargé de démasquer une certaine Sophie Baker, médium américaine qui prétend communiquer avec les esprits. Mais l’attraction qu’il éprouve pour la jeune femme commence à ébranler ses convictions sur la voyance spirituelle et les forces de l’au-delà.
Magic in the Moonlight aborde les tensions entre la réalité et l’illusion aussi bien dans les pratiques du spectacle qu’au niveau émotionnel. Le film ne figure pas parmi les meilleurs de Woody Allen, mais il établit une belle cohésion entre Emma Stone et Colin Firth. C’est un film qui ne décevrait pas les fans de Minuit à Paris (2011) ou encore des récits nostalgiques comme Gatsby le Magnifique (2013).
5. Le Magicien d’Oz (1939)
Certain.e.s pourraient contester le choix d’inclure Le Magicien d’Oz (1939) de Victor Fleming, mais étant donné le nombre d’adaptations cinématographiques qui l’ont suivi –on pense notamment à Wicked (2024), Wicked : Partie 2 (2025), mais aussi à Le Monde fantastique d’Oz (2013) de Sam Raimi– ce classique en Technicolor me paraît être une entrée indispensable. L’univers ozien comprend aussi la magie –certes fictive- dont les pouvoirs seraient forcément différents des machines que le prétendu magicien utilise pour cacher son identité et diriger le Pays d’Oz.
Même si ce thème demeure relativement secondaire par rapport aux aventures de Dorothy et de ses compagnons, la figure du magicien et l’évolution des valeurs qu’il représente jouent un rôle clé dans la résolution du récit. La révélation finale –le moment où la magie s’avère n’être qu’artifice– existe dans beaucoup de films, mais la singularité et la force du Magicien d’Oz tiennent au fait qu’elle devient une leçon morale et humaine qui résonne profondément auprès de son public
4. Insaisissables (2013)
Tourné par Louis Leterrier, cinéaste français connu pour son travail dans l’action, Insaisissables (2013) est vite devenu un véritable phénomène grâce à son succès au box-office (plus de 350 millions de dollars de recettes pour un budget de 75 millions). À mi-chemin entre le film de braquage et le film sur l’illusionnisme, Insaisissables suit « Les Quatre Cavaliers », un groupe de magiciens qui exécutent leurs braquages comme de véritables spectacles publics. Alors que le groupe se prépare à un vol encore plus ambitieux, le FBI se charge de les arrêter.
Leterrier fait preuve d’une finesse technique remarquable et privilégie les effets pratiques plutôt que le CGI. Quant au casting, même si Jesse Eisenberg convoque quelque peu son personnage de The Social Network (2010), la dynamique de groupe entre lui, Woody Harrelson, Isla Fisher et Dave Franco fonctionne à merveille. Le twist final peut paraître un peu incohérent, mais il sert finalement de belle porte d’entrée vers le deuxième volet de la franchise .Si vous aimez les grands classiques du film de braquage comme Ocean’s Eleven (2001) ou les films d’escroquerie comme Arrête-moi si tu peux (2002), Insaisissables est fait pour vous !
3. Presto (2008)
Étant un court métrage d’animation, cette pépite Pixar pourrait facilement passer sous les radars, mais il s’agit en réalité d’un hommage très réussi, à la fois nostalgique et drôle, aux cartoons de Looney Tunes. Le film met en scène l’illusionniste Presto DiGiotagione en train de se préparer pour son spectacle, mais son lapin, affamé et agacé, refuse de coopérer et ne participe pas aux numéros. Sa résistance provoque alors toute une série d’accidents, interprétés par le public comme faisant partie intégrante du numéro. Presto (2008) ne dure que cinq minutes, mais il regorge de gags inspirés des spectacles d’illusionnisme. Du slapstick dans sa forme la plus libre et énergique – à ne surtout pas rater !
2. Le Prestige (2006)
Depuis Le Prestige (2006), comme Christopher Nolan n’a cessé de se surpasser film après film, ce dernier est souvent relégué aux derniers rangs lorsqu’on évoque sa filmographie. Mais une fois revisité, on comprend à nouveau pourquoi ce film a tellement marqué la communauté cinéphile de l’époque — et pourquoi il continue de résonner aujourd’hui. Comme L’Illusionniste sorti la même année, Nolan propose un récit du tournant du siècle, centré sur la rivalité entre Robert Angier et Alfred Borden, deux magiciens incarnés respectivement par Hugh Jackman et Christian Bale. Avec des personnalités et des origines sociales diamétralement opposées, les anciens collègues entrent dans une compétition obsessionnelle et violente pour mettre en scène le tour le plus spectaculaire.
Nolan explore également le côté techno-mystique que les pratiques d’illusionnisme suggèrent très souvent – un aspect que les tours eux-mêmes puisent et parfois exagèrent. Le motif des idées fabuleuses, à la limite des concepts scientifiques, est cher à son cinéma, et Le Prestige, avec son aspect méta qui met en lien la figure de l’illusionniste et celle du cinéaste, n’y fait pas exception. Au-delà de tous ses mérites, Le Prestige offre aussi l’occasion de revoir le merveilleux David Bowie sur grand écran, incarnant un mystérieux et charismatique Nikola Tesla.
1. L’Illusionniste (2010)
Certainement un hot take pour les fans de Nolan qui pourraient être déçus de voir Le Prestige classé en deuxième position, je termine cette liste avec un film qui me tient particulièrement à cœur car il faisait partie des rares œuvres qui m’ont révélé « la magie du cinéma » durant mon enfance. Le film d’animation L’Illusionniste (2010) de Sylvain Chomet est adapté d’un scénario écrit par Jacques Tati et raconte l’histoire d’un illusionniste vieillissant dont les numéros deviennent de plus en plus obsolètes et qui perd sa réputation auprès du public. L’illusionniste, nommé Tatischeff, quitte Paris pour Londres, puis pour l’Écosse, où il rencontre une jeune fille avec qui il noue une amitié inattendue.
Pour celles et ceux qui connaissent le cinéma de Chomet, on retrouve ici le même ton nostalgique et l’animation artisanale caractéristiques de ses œuvres. Presque sans paroles, le film repose beaucoup sur l’expressivité des dessins et des visages. Grand admirateur de Tati, Chomet habille son personnage et ses tableaux d’un soin minutieux, parsemés de références subtiles. Plus qu’une simple « lettre d’amour au cinéma », le film témoigne d’un véritable ancrage émotionnel sur la vie d’artiste, l’héritage et le vieillissement. Et si c’est la première fois que vous entendez le nom de Sylvain Chomet, c’est une raison de plus pour découvrir Les Triplettes de Belleville (2003), ainsi que son film le plus récent, Marcel et Monsieur Pagnol (2025).











































































































