Dans le monde des suceurs de sang, il est appelé le « Diurnambule » ou le « Daywalker », un vampire capable de marcher au grand jour et qui s’est donné pour mission de protéger les humains. Les spectateurs le connaissent sous le nom de Blade, justicier vêtu de cuir et bardé d’armes en tous genres, qui maîtrise les arts martiaux et traque sans relâche ses semblables.
De son vrai nom Eric Brooks, le personnage apparaît en 1973 dans les comic-books Marvel, au sein d’un groupe de chasseurs de goules confrontés à Dracula lui-même. Si ses caractéristiques ne sont pas tout à fait les mêmes qu’au cinéma (notamment son ADN à moitié vampirique et la soif d’hémoglobine qui le ronge), sa haine des striges est similaire et il évoluera au fil des années dans diverses histoires et collections, jusqu’à obtenir sa propre série.
Depuis cinquante ans, Blade est incontestablement un super (anti) héros emblématique de la Maison des Idées, au point d’inspirer le grand écran avant même la vague d’adaptations modernes du début des années 2000. Si Wesley Snipes est devenu son visage attitré dans une trilogie marquante (avec un bonus inattendu en 2024), le « Daywalker » est apparu dans d’autres œuvres. JustWatch vous dit tout !
Blade (1998)
Retour en 1998. X-Men (2000) et Spider-Man (2002) n’ont pas encore pris d’assaut le box-office. Et le Marvel Cinematic Universe n’a même pas commencé sa gestation. C’est dans cette décennie marquée par le naufrage de DC (Batman Forever et Batman & Robin), quelques pépites indépendantes (The Mask, The Crow, Darkman…) et beaucoup de films de super-héros oubliables (Barb Wire, Spawn, Le Fantôme du Bengale…) que débarque Blade. Le grand public découvre alors, sous les traits impassibles de Wesley Snipes, un justicier badass aux canines pointues qui combat impitoyablement ses semblables pour protéger l’humanité.
Sous la plume de David S. Goyer (qui œuvrera par la suite sur Batman Begins, Man of Steel, et Constantine), on découvre un univers certes pop mais résolument sombre, qui assume que ce combat entre ombre et lumière s’adresse avant tout à un public adulte. Le sang est donc au rendez-vous (la douche d’hémoglobine en pleine rave !) tout comme des combats spectaculaires (donc un effet bullet time pré-Matrix). Même si le film n’a pas tout à fait les moyens de ses ambitions -les effets visuels de la Magra ont très mal vieilli- et que Wesley Snipes est très monolithique (j’ai compté trois expressions de visage !), on apprécie l’univers caché qu’il met en place, entre conseil des vampires, humains consentants et rivalités entre sangs purs et néo-monstres. Et l’image immédiatement iconique de ce héros implacable, armé et conseillé par le bourru mais touchant Kris Kristofferson. Il se dégage du film un esprit à la Hellboy (2004), entre film de studio et entreprise indépendante, qu’on aime bien.
Blade II (2002)
Le fait que je cite Hellboy (2004) n'est pas innocent. En effet, avant de donner vie au démon rouge de Mike Mignola, Guillermo Del Toro a signé Blade II (2002), qui lui offre son ticket définitif pour Hollywood après les réussites du vampirique Cronos (1993), du monstrueux Mimic (1997) et du plébiscité L’Echine du Diable (2001). Le cinéaste mexicain met ici à profit son goût pour les récits gothiques (l’esthétique s’inscrit dans la lignée de Resident Evil et Underworld) et son amour des monstres pour une suite qui fait beaucoup mieux que le film original (c’est rare !) en amenant Blade à faire équipe avec ses ennemis afin de combattre une nouvelle espèce de monstres qui attaquent humains comme vampires.
La grande force du film, c’est justement ce Bloodpack, un groupe d’élite façon Expendables vampiriques dont chaque membre affiche une culture, une arme, un look et un caractère très identifiable. Del Toro parvient à parfaitement caractériser celles et ceux qui composent cette escouade (même si je me dis qu’une série aurait donné sa juste place à chacun.e), tout en faisant de Blade un personnage central, à la fois intrus et coéquipier à qui on ouvre les portes du monde secret des goules (la séquence de la boîte de nuit est mémorable). Dans Blade II, on aime aussi la nouvelle menace incarnée par les Reapers : le cinéaste voulait s’éloigner de l'imagerie romantique des vampires, et c’est réussi avec des créatures sauvages et inhumaines qui préfigurent 30 jours de nuit (2007) et la série The Strain (2014-2017). C’est mon film préféré de la franchise… et l’un des mes films préférés de super-héros (et de monstres).
Blade Trinity (2004)
Avant de camper avec succès et jubilation ce très cher Deadpool (2016), Ryan Reynolds a multiplié les casseroles super-héroïques. Il y a eu Green Lantern (2011). Il y a eu X-Men Origins : Wolverine (2009). Et il y a eu Blade Trinity (2004), un troisième opus qui a fait très mal aux fans après la réussite de Blade II. Dans ce film, Wesley Snipes fait équipe avec Jessica Biel, qui campe la fille de son ancien mentor Abraham Whistler, et Ryan Reynolds donc, qui donne vie à Hannibal King. Les lecteurs des comic-books Marvel le connaissent comme membre des Nightstalkers, un trio de chasseurs de monstres dont Blade faisait partie.
Là où Guillermo Del Toro adoptait une approche sérieuse et premier degré, le scénariste et néo-réalisateur David S. Goyer prend le parti d’une tonalité plus légère et plus pop, avec ce qui ressemble à un concours de vannes permanent entre nos héros et des vampires très trop démonstratifs, Parker Posey et Triple H en tête. Quant au grand méchant, sorti de son caveau pour donner naissance à une nouvelle race de vampires, il est baptisé Drake, nom « modernisé » de Dracula. Et même si on aime bien Dominic Purcell (il sortait de John Doe et débutait Prison Break), il ne peut pas faire de miracles avec un personnage peu charismatique et une armure vraiment ratée… Au final, c’est le chapitre le moins bien noté de la trilogie, et à juste titre. Un peu comme la saga Resident Evil est allée vers le grand n’importe quoi à partir du quatrième film. Il reste tout de même des choses intéressantes : Wesley Snipes, comme toujours impeccable dans le rôle, et le concept de fermes de sang qui rappelle Daybreakers (2009).
Blade la série (2006)
La bande des Nightstalkers aurait dû obtenir son propre spin-off après Blade Trinity (2004). Une fin alternative, qui les voit chasser un loup-garou dans un casino en Asie, a d'ailleurs été tournée pour lancer le projet. Il ne verra jamais le jour. Blade, en revanche, reprend du service dans une série à sa gloire souvent présentée comme une version adulte de Buffy et Angel. Durant une seule petite saison de 12 épisodes, la chasse reprend pour le justicier, qui s’attaque aux vampires de la Maison Chthon avec l’aide de la sœur de son ancien acolyte qu’il avait infiltré au sein de l’organisation…
Directement rattaché à la franchise, le programme doit toutefois se séparer de Wesley Snipes (avec qui le tournage du troisième film a visiblement été très compliqué). C’est Kirk Jones, alias « Sticky Fingaz » du groupe de rap Onyx, qui le remplace sous le costume et les lunettes noires de Blade. C’est le point faible du show, car la comparaison est inévitable entre les deux comédiens et les fans n’oublient pas facilement Snipes. En revanche, la série est appréciée pour son aspect infiltration et pour la mythologie qu’elle élabore, avec des sous-intrigues politiques au sein des clans vampiriques. Pour ses combats brutaux et son ton urbain, aussi. Et pour la musique de Ramin Djawadi, futur compositeur de Game of Thrones (2011-2018). L’écrin de la chaîne Spike TV était sans doute inadapté à l'ambition de ce précurseur de Daredevil et autres Defenders, qui aurait aujourd’hui toute sa place au sein des séries du MCU proposées par Disney+ (notamment ECHO et Ironheart qui adoptent la même tonalité).
Blade (2011)
Cinq ans plus tard, le « Daywalker » s’anime dans Blade (2011). Confiée au studio japonais Madhouse (Paprika, Summer Wars, Hunter x Hunter…), cette mini-série de 12 épisodes revient aux origines du personnage, qui se lance dans la traque de Deacon Frost, responsable de son état -il a mordu sa mère alors qu’elle était enceinte- et de l’organisation Existence. C’est Kenta Fukasaku, le scénariste de Battle Royale et sa suite, qui orchestre cet affrontement au sommet qui était déjà au cœur du Blade de 1998 (Stephen Dorff incarnait alors l’arrogant et ambitieux vampire face à Wesley Snipes).
Intégré à la collection Marvel Anime (2010-2011), qui adapte également les aventures de Iron Man, Wolverine et les X-Men avec une approche japanime, Blade propose d’impressionnants combats au katana, lui qui a été entraîné par un maître samouraï et un certain Noah Van Helsing. On peut en revanche lui reprocher un trop-plein de dialogues, qui nuisent au rythme et à l’action. On reconnaîtra d’ailleurs en version japonaise le timbre de Akio Ōtsuka (également interprète de Solid Snake dans les Metal Gear) dans le rôle-titre, et côté US la voix de Harold Perrineau (Roméo + Juliette, la série From). A recommander aux fans de Hellsing (2001-2002), Blood: The Last Vampire (2009) et Castlevania (2017-2021).
Deadpool & Wolverine (2024)
Attention, ça va spoiler ! Et en même temps, vous vous doutez bien que si Deadpool & Wolverine (2024) est intégré à cette liste, c’est que Blade doit traîner quelque part. C’est en effet l’une des très belles surprises du long métrage : le grand retour de super-héros sacrifiés par leurs studios et laissés dans le Vortex où pourrissent les franchises abandonnées. En l'occurrence Elektra (Jennifer Garner), Gambit (Channing Tatum), X-23 (Dafne Keen), La Torche Humaine (Chris Evans)... et Blade en personne.
Pour ce come-back aussi improbable que jouissif, Wesley Snipes reprend le manteau noir, les lunettes et le sabre. Et on adore ! Mais il ne faut pas non plus s’emballer : il est peu probable que le tueur de vampires soit rappelé par la suite dans le Marvel Cinematic Universe (contrairement à Gambit qui, lui, reviendra dans Avengers Doomsday en 2026). Et en même temps, dans un multivers désormais bien accepté des spectateurs, tout est possible ! Mais à 63 ans passé, pas certain que Wesley Snipes soit partant pour reprendre la chasse. Il faut donc apprécier cette apparition clin d'œil pour ce qu’elle est : un très beau cadeau méta offert aux fans Marvel par Ryan Reynolds.
Marvel Zombies (2025)
Décidément, derrière ses airs de tueur impassible et badass, Blade aime bien faire des surprises ! Et après son apparition dans Deadpool & Wolverine (2024), il s’est invité dans la série animée Marvel Zombies (2025). Avec un rôle beaucoup plus central, lui qui se joint à la bande de survivants formée par Miss Marvel, Ironheart, Kate Bishop, Yelena Belova, Red Guardian, Shang-Chi, Valkyrie, Katy, Jimmy Woo, John Walker et Ant-Man/Strange. Comme le titre du show l’indique, on est ici en pleine apocalypse de morts-vivants dont les hordes affamées sont au service des sombres projets de Scarlet Witch.
Suite directe d’un épisode de What If… ? (2021-), Marvel Zombies explore le pan horrifique du MCU, déjà abordé dans Doctor Strange and the Multiverse of Madness (2022) et Werewolf at Night (2022). L’occasion pour les aficionados d’apprécier quelques scènes graphiques (la série n’est pas pour les enfants !) et de voir certains héros Marvel transformés en goules (Hawkeye et Captain America, notamment). Doublé par Todd Williams, Blade est ici proposé dans une itération inédite, qui le voit endosser le costume de Moon Knight et accueillir l’esprit du dieu égyptien Khonshu. Ses aptitudes au combat, en revanche, sont les mêmes : mortelles. Si vous voulez le voir jouer du katana, vous allez être servi. En revanche, comme Eyes of Wakanda (2025), on regrette la trop grande place laissée aux combats. Personnellement, je me suis senti trèèèèèèès vieux devant ce spectacle !
Blade (prochainement)
Verra t-on le nouveau Blade un jour ? Ce qui avait été LA grosse annonce Marvel en 2019, avec l’engagement de Mahershala Ali dans le rôle, est depuis resté au point mort, malgré une introduction (vocale) du personnage dans la scène post-générique des Éternels (2021). Entre-temps, les réalisateurs se sont succédés et le scénario a connu une valse incessante de réécritures. Au point que le film n’est désormais même plus sur le calendrier des sorties du studio ! Il faudra donc être (très) patient, alors qu’une sortie est espérée au mieux en 2028. Soit près de dix ans après l’annonce du projet. Vous avez dit sang pour sang frustrant ?