C’est un pari unique dans l’histoire du cinéma. Et une approche que beaucoup de studios hollywoodiens rêvent de réussir à leur tour. Le fameux Marvel Cinematic Universe, un univers étendu entre films, séries, séries animées et courts métrages, qui tisse des liens et connecte les personnages et les mondes nés dans les pages des comic-books. Initiée en 2005 sous la supervision du producteur Kevin Feige, cette initiative hybride voit concrètement le jour trois ans plus tard quand Robert Downey Jr. endosse pour la première fois l’armure de Iron Man.
Une trentaine de longs métrages et une quinzaine de séries ont depuis vu le jour - répartis en « Phases » et liés par des séquences post-génériques savamment distillées - pour le plus grand plaisir des fans qui retrouvent à l‘écran la complexité de l’univers papier imaginé par Stan Lee, Jack Kirby et les plumes de la Maison des Idées. Les néophytes et les spectateurs occasionnels, eux, ont en revanche parfois un peu de mal à s’y retrouver au sein d’un MCU de plus en plus complexe, qui nécessite presque « de faire ses devoirs » pour saisir toutes les subtilités des connexions entre les différentes œuvres.
C’est votre cas ? JustWatch vous apporte un peu d’aide et quelques lumières avec le guide des six films de la Phase 1, classés dans l’ordre chronologique de l’histoire.
Captain America : First Avenger (2011)
La chronologie du Marvel Cinematic Universe débute officiellement en 1943, avec Captain America : First Avenger (2011). Ce n’est pas le premier film du MCU à sortir, mais c’est la première pierre du projet Avengers porté par Nick Fury (Samuel L. Jackson). Alors que la Seconde Guerre mondiale bat son plein, on y découvre un jeune homme maigrelet mais courageux, rêvant de s’engager pour défendre son pays et la démocratie. Transformé en Captain America grâce à la science, il va devenir l’incarnation de la liberté. Volontairement rétro, avec une approche oscillant entre film de guerre old-school et science-fiction super-héroïque, le long métrage étonne par son approche à l’ancienne, presque naïve et désuète, loin des vagues d’images de synthèse et de fonds verts qui suivront. Un feeling à la Indiana Jones plane sur cette aventure, que le réalisateur Joe Johnston (solide artisan hollywoodien déjà auteur de Rocketeer en 1991) a justement façonnée en la calquant sur Les Aventuriers de l’Arche perdue (1981).
En raison de cette tonalité particulière, le long métrage pourra peut-être décontenancer celles et ceux qui chercheraient une aventure high-tech à la Iron Man ou le délire cosmique des Gardiens de la Galaxie. Mais il met solidement en place des personnages et éléments (Steve Rogers, le futur soldat de l’hiver Bucky Barnes, Peggy Carter qui fera battre le coeur du héros jusqu'à Avengers Endgame, Crâne Rouge, Howard Stark, le Tesseract, le sérum de « Super Soldat », l’Hydra, le bouclier en vibranium…) qui auront leur importance dans la suite de la grande histoire Marvel. Et dans le costume étoilé qui aurait pu être sincèrement ridicule et gênant, Chris Evans trouve LE rôle de sa carrière, entre force et innocence, sans jamais tomber dans un patriotisme appuyé et un américanisme bas du front. Au contraire, on se prend d’affection pour ce héros d’un autre temps, dépassé par sa propre image de super-justicier et qui deviendra le cœur battant des Vengeurs.
Iron Man (2008)
Si Iron Man (2008) est aujourd’hui indissociable du Marvel Cinematic Universe - au point que les films qui ont suivi Avengers : Endgame (2019) n’ont jamais réussi à se remettre totalement de son absence - faire du personnage le premier héros du MCU était un véritable pari. Un pari remporté haut la main grâce à la mise en scène spectaculaire et au ton adoptés par le réalisateur Jon Favreau (également interprète du sympathique chauffeur / garde du corps Happy Hogan), et surtout au choix de Robert Downey Jr. dans le rôle-titre. Aussi sympathique qu’arrogant, aussi attachant qu’énervant, aussi brillant que cynique, l’acteur excelle en Tony Stark / Iron Man. Mieux : il EST Iron Man, comme le personnage le claironnera d’ailleurs à la fin du film.
Cette origin-story d’un homme détestable devenu super-héros raconte comment le milliardaire, marchand d’armes et inventeur de génie, va décider de donner un autre sens à son existence après avoir été enlevé en Afghanistan. Cette histoire de rédemption, qui traverse les enjeux industriels, high-tech et militaires du film, fait finalement écho à la propre réhabilitation du comédien, passé par la case prison avant sa renaissance marvelienne. Il y a aussi un parallèle plus qu’évident avec Bruce Wayne, lui aussi milliardaire sans super-pouvoirs devenu justicier chez DC : mais là où le Chevalier Noir de Batman Begins (2005) aime l’obscurité, Tony Stark, lui, préfère la lumière avec un charisme et un sens de la répartie qui font de lui le chef naturel des futurs Vengeurs.
Iron Man 2 (2010)
Les super-héros préfèrent traditionnellement la discrétion en menant une double vie entre identité secrète et costume (ou armure, c’est selon) de justicier. Pas Tony Stark, qui a dévoilé dans les dernières minutes du premier volet son statut de Iron Man au monde entier. Iron Man 2 (2010), dont la narration s’inscrit dans la continuité du précédent film, débute donc sur ce présupposé. Mais aussi sur un Tony mourant, car insidieusement contaminé par le palladium du réacteur ARK qui le maintient en vie depuis l’Afghanistan. A la fois dépressif et excentrique, le personnage dévoile ici de nouvelles facettes et défauts de son caractère : des traits qui le rendent définitivement humain et qui avaient déjà fait le succès du personnage dans les comic-books Marvel.
Au-delà de son héros, le film -clairement mis en production trop vite, ce que le réalisateur Jon Favreau confirmera par la suite- déçoit quelque peu par rapport à son prédécesseur. Bien sûr les scènes d’action sont spectaculaires, notamment les moments où Tony retire ou endosse son armure pour affronter le méchant Whiplash (Mickey Rourke) et ses fouets électriques. Et il y a un sous-texte intéressant dans la façon dont Iron Man devient un enjeu de sécurité nationale convoité par le Département de la Défense (préfigurant le schisme de Captain America : Civil War, 2016). Mais l’équilibre du premier film n’est plus là, ni l’effet de surprise d’ailleurs, et on sent bien que ce second volet est surtout un épisode de transition et de connexion, qui sert essentiellement à introduire Black Widow (Scarlett Johansson) et War Machine (Don Cheadle remplace Terrence Howard sous l'uniforme et l'armure) pour préparer le terrain de la réunion à venir des Avengers.
L’Incroyable Hulk (2008)
Même s’il est sorti deux ans avant Iron Man 2, il est plus logique de regarder L’Incroyable Hulk (2008) après. Ce que confirme d’ailleurs la chronologie officielle du Marvel Cinematic Universe disponible sur Disney+. Traqué par l’armée américaine, le géant vert (en réalité le scientifique Bruce Banner, irradié par des rayons Gamma lors d’un accident de laboratoire) essaye de se libérer de sa condition tout en contrôlant ses accès de rage dévastateurs qui le transforment en monstre inarrêtable (et en arme biologique inestimable). Mis en scène par le Frenchie Louis Leterrier (par la suite à la barre du Choc des Titans et Fast & Furious X), le film est un divertissement efficace aux scènes d’action réussies (la séquence au Brésil, la scène à l’université, le combat final), avec une itération de Hulk qui transpire la rage.
L’histoire en elle-même est par contre assez anecdotique au sein du MCU, sauf en prévision de Captain America: Brave New World (2025). D’autant que ce Jekyll / Hyde à la sauce Marvel est incarné par Edward Norton, qui sera par la suite évincé de la franchise et remplacé par Mark Ruffalo (avec un Hulk moins musculeux et plus rond). Mais il explique pourquoi Banner vit reclus quand Natasha Romanoff retrouve sa trace, et il met en place des personnages qui seront pertinents au sein de l’univers connecté, à l’image de Abomination (Tim Roth, revenu dans She-Hulk), du Général Thaddeus Ross (William Hurt), de Samuel Sterns (Tim Blake Nelson)... ou d’un certain Tony Stark, invité surprise de la scène post-générique alors qu’il poursuit son recrutement pour les Avengers.
Thor (2011)
Au sein du pari narratif, financier et logistique qu’est le Marvel Cinematic Universe, Thor (2011) représente un véritable défi en soi. Là où l’essentiel des précédentes productions super-héroïques conservaient une approche terre-à-terre, l’histoire prend ici une dimension cosmique en dévoilant le Royaume d’Asgard et les dieux qui y résident, à l’image de Odin (Anthony Hopkins) et ses deux fils, les frères ennemis Loki (Tom Hiddleston) et Thor (Chris Hemsworth). Exilé parmi les hommes pour y apprendre l’humilité et être digne des pouvoirs de son marteau (qu’on découvrait dans la scène post-générique de Iron Man 2), ce dernier va surtout y découvrir l’amour (Natalie Portman) et un attachement viscéral à notre planète. Quant à Loki, il met en place les enjeux du prochain film : la très attendue réunion des Avengers qui se déroule, selon la chronologie, quelques mois plus tard.
Le film est confié au très shakespearien Kenneth Branagh (Henry V, Beaucoup de bruit pour rien, Hamlet). Un choix qui pourrait surprendre mais qui est finalement assez logique, tant l’intrigue de Thor a des allures de tragédie spatiale. Le cinéaste a par ailleurs grandi avec le comic-book et était donc le candidat idéal pour capter les problématiques très humaines de ces dieux et faire de ces divinités des êtres de chair. Le ton de l’adaptation évolue dès lors entre drame familial, pure fantasy digne d’un Warcraft, science-fiction façon Le Jour où la terre s'arrêta et découverte de la vie terrienne en mode Superman ou Starman avec son lot de quiproquos comiques. C’est peut-être d’ailleurs la faiblesse du long métrage, qui ne parvient jamais à choisir son identité et qui donne un peu de tout aux spectateurs, de manière globalement lisse. Mais il fait le boulot, en mettant en place les tout derniers pions avant la réunion des Vengeurs.
Avengers (2012)
Quatre ans après la sortie de Iron Man, les fans assistent enfin à la concrétisation de la grande promesse du Marvel Cinematic Universe : présenter des héros dans des films qui leur sont dédiés avant de les réunir au sein du même long métrage. Le résultat, c’est Avengers (2012) qui convoque Iron Man, Captain America, Thor, Black Widow, Hulk (désormais campé par Mark Ruffalo) et Hawkeye (Jeremy Renner, introduit au détour d’une scène de Thor) sous le commandement de Nick Fury pour affronter la menace de Loki et des Chitauris, une race extraterrestre en quête du Tesseract. Et ce qui aurait pu être un fourre-tout scénaristique et visuel est une franche réussite, qui laisse la place à chaque personnage tout en livrant de vrais morceaux de bravoure (à l’image de l’affrontement entre Thor, Iron Man et Captain America dans la forêt, ou l’attaque monumentale de New York qui couvre le dernier quart du film).
Ultra-spectaculaire et très généreux (le fameux travelling autour des six héros réunis en cercle face à l’adversité a fait hurler d’innombrables salles de cinéma dans le monde à l’époque), le long métrage montre aussi des personnages certes soudés dans l’adversité, mais aux points de vue très différents quant à leurs prérogatives de super-héros. De quoi préfigurer la suite de leurs interactions au sein du MCU, tout en dévoilant au détour d’une séquence post-générique un certain Thanos, futur grand méchant de la « Saga de L’Infini » qui regroupe les trois premières phases de l’univers Marvel. En revanche, si on est allergique aux supers, au MCU ou aux images de synthèse, ce grand spectacle passera vite pour 2h23 de torture numérique.