Dix ans après, le drame du 13 novembre 2015 reste présent dans toutes les mémoires. Ce soir-là, une attaque terroriste islamiste coordonnée par Daech fait 132 morts et 494 blessés entre la salle de spectacle du Bataclan, les terrasses de plusieurs cafés et restaurants parisiens et les abords du Stade de France.
Une décennie plus tard, les attentats -les plus meurtriers perpétrés dans l’Hexagone- continuent de résonner, chez les rescapé.es et survivant.es évidemment, mais aussi de manière collective dans un pays irrémédiablement marqué par ces exactions. Ces dernières années, les cinéastes, scénaristes et comédiens n’ont dès lors eu de cesse de raconter et revisiter cette nuit tragique, à travers le prisme de films, séries et documentaires, que JustWatch vous liste ci-dessous.
Des vivants (2025)
Lancer Des vivants (2025), c’est retrouver instantanément cette sensation viscérale d’horreur et de sidération qui nous a toutes et tous habité.es la nuit du 13 novembre 2015. Et les jours, semaines, mois et années qui ont suivi. Chacun des huit épisodes est ainsi ancré dans une temporalité précise, et raconte le parcours de sept survivants du Bataclan, qui ont partagé 2h30 face à deux terroristes dans le couloir à l’étage de la salle.
La série de Jean-Xavier de Lestrade parle de traumatisme, de reconstruction, de résilience mais surtout d’humanité et d’empathie. Et d’une vie qui doit impérativement continuer, sans plus jamais être la même. Pour son traitement puissant et poignant qui parle des (p)otages (c’est ainsi que se surnomme la bande formée par Benjamin Lavernhe, Alix Poisson, Antoine Reinartz, Félix Moati, Thomas Goldberg, Anne Steffens et Cédric Eeckhout) mais aussi de leurs proches et plus largement d’une Nation, Des vivants est une série remarquable.
Une amie dévouée (2024)
Une amie dévouée (2024), c’est un peu « l’anti Des vivants ». Une histoire d’usurpation et de manipulation qui montre comment l'inhumanité émerge, elle aussi, dans ces moments sombres. La série HBO Max , signée Just Philippot (La Nuée, 2021), s’inspire librement de l’histoire vraie de celle qui fut surnommée La Mythomane du Bataclan, racontée par le journaliste Alexandre Kauffmann dans son ouvrage éponyme en 2021 : Florence M., une femme qui se fit passer pour une survivante des attentats et qui finira condamnée pour escroquerie après avoir tenté de profiter du fond d’indemnisation. Une trahison ignoble pour les vrai.es victimes, qui s’est ajoutée au traumatisme vécu le 13 novembre 2015.
Pour incarner cette protagoniste que la fiction n’aurait osé imaginer, il fallait une grande actrice. Et dans le rôle de cette Amie dévouée, Laure Calamy est parfaite. Horriblement parfaite, même. C’est bien simple, j’ai rarement autant « détesté » un personnage. Ici, celle qui est rebaptisée Chris est menteuse, manipulatrice, vénéneuse même. Et en même temps touchante (elle devient l’un des piliers de l’association Life for Paris et un roc pour de nombreux survivants). Et surtout misérable, alors qu’elle utilise son statut de (fausse) victime pour exister et briser la solitude et l’échec de sa vie. Ces quatre épisodes nous offrent une plongée passionnante et vertigineuse dans les ressorts de la psychologie humaine.
Novembre (2022)
Dans Novembre (2022), Cédric Jimenez raconte les événements du 13 novembre à travers les cinq jours d’enquête qui ont suivi le chaos. Le réalisateur de BAC Nord (2021) et Chien 51 (2025) propose ici un contre-pied passionnant et sous haute tension, qui se concentre sur la mission menée pour retrouver les terroristes en fuite, qui mènera à l’assaut donné par les forces de l’ordre sur une planque de Saint-Denis le 18 novembre 2015. Dans la lignée de Secret Défense (2008) et Le Bureau des Légendes (2015-2020), le long métrage met brillamment en avant le travail de la lutte antiterroriste française.
La grande force du film, c’est son réalisme froid et brut, qui évite tout sensationnalisme et suit des hommes et des femmes qui doivent impérativement rester focalisés sur leur mission, avec objectivité, rigueur et réactivité, quand tout un pays est sous le choc. Emmené par un Jean Dujardin impeccable, Novembre illustre la complexité d’une enquête aux nombreuses ramifications, entre filatures, écoutes, infiltrations, interrogatoires et fausses pistes. Certains lui reprochent de ne pas assez fouiller ses personnages, mais c’est justement le parti-pris du cinéaste : des protagonistes au service d’une machine policière qui n’a pas le droit à l’erreur. Une machine qui ne vous lâche pas durant 1h45mn.
Revoir Paris (2022)
Sorti, comme Novembre, pendant l'automne 2022, Revoir Paris propose une approche très différente des événements. Et extrêmement émouvante. Sans se référer directement aux attentats de 2015, la réalisatrice Alice Winocour s’inspire de ce qu’elle a elle-même traversé la nuit du 13 novembre (son propre frère était au Bataclan et échangeait avec elle pendant la prise d’otages) pour raconter le parcours post-traumatique d’une survivante des attaques en terrasse. Cette femme, c’est Virginie Efira, récompensée du César de la Meilleure actrice pour son rôle.
Frappée d’amnésie, elle tente de reconstruire le déroulement de cette soirée tragique en allant à la rencontre d’autres victimes et en suivant les bribes de souvenirs qui lui reviennent au fur et à mesure du récit. Les choses se sont-elles déroulées comme elle le croit ? A t-elle été héroïque ou lâche ? Et qui était cette personne qui lui tenait la main ? Finalement, ce film raconte de façon subjective, fragmentaire et parfois même onirique tout ce qui peut survenir comme instants d’humanité au milieu du chaos et de la mort. C’est cathartique, et c’est réussi.
Vous n’aurez pas ma haine (2022)
L’automne 2022 était décidément une période mémorielle essentielle pour le cinéma français : Vous n’aurez pas ma haine raconte lui aussi « l’après » 13 novembre, mais du point de vue d’une victime indirecte ou collatérale. En l'occurrence le journaliste Antoine Leiris dont la femme, Hélène Muyal-Leiris, est assassinée au Bataclan. Quelques jours après cette nuit d’horreur, il publie une lettre ouverte sur Facebook, adressée aux terroristes, et dans laquelle, malgré le choc et le chagrin, il se refuse à haïr les meurtriers de la mère de son fils Melvil.
Ces premières lignes seront suivies d’un livre (2016, éditions Fayard), qui raconte la douleur, l’absence, la peur, les doutes et la reconstruction qu’il traverse durant son quotidien. Raconté en version audio par André Dussollier et joué au théâtre par Raphaël Personnaz, son récit est adapté au cinéma avec Pierre Deladonchamps dans le rôle principal. Très attaché à respecter les mots d’Antoine Leiris, le réalisateur Kilian Riedhof adopte ici une approche sobre et intime, véritable leçon de résilience à hauteur d’homme. De mari. Et de père. Certains peuvent reprocher au long métrage sa froideur, il faut au contraire y voir une grande pudeur, qu’on peut prolonger avec Amanda (2018), emmené par Vincent Lacoste.
En thérapie (2021-2022)
Transposition française de l’incontournable série israélienne BeTipul (2005-2008), En thérapie (2021-2022) a choisi de situer l’action de sa première saison (35 épisodes) durant l’automne 2015, quelques jours après les événements du 13 novembre. Le traumatisme des attentats terroristes est alors raconté à travers deux des patients suivis par le psychanalyste Philippe Dayan (formidable Frédéric Pierrot) : Adel, un officier de la BRI traumatisé par son intervention au Bataclan (Reda Kateb) et Ariane, une interne en chirurgie confrontée à la gestion des blessés (Mélanie Thierry).
En thérapie adopte un format dépouillé, presque radical, basé sur un huis clos dans le cabinet de Philippe Dayan. Chaque épisode présente alors une séance entre le praticien et son patient, avec des dialogues ciselés, des silences parlants et une vraie intensité, à raison de 5 à 7 épisodes par patient sur la saison. Profonde, passionnante, intelligente, la série décortique les blessures internes, les traumatismes enfouis, les mécanismes de défense, les non-dits et les histoires personnelles de chacun de ses protagonistes, pour livrer un portrait collectif d’un pays sous le choc. C’est la grande réussite de cette pépite à ne surtout pas binger mais à regarder en prenant son temps, comme une vraie séance de psychanalyse.
13 novembre : Fluctuat Nec Mergitur (2018)
« Il est battu par les flots, mais ne sombre pas ». Cette locution, devise officielle de la ville de Paris, sert de titre pour ce documentaire Netflix en trois parties d’une cinquantaine de minutes chacune. 13 novembre : Fluctuat Nec Mergitur (2018) retrace de manière chronologique les événements survenus dans la soirée du 13 novembre, à travers de nombreux témoignages de politiques, d’agents, de pompiers et surtout de survivant.es. Comment ont-ils/elles traversé cette nuit de cauchemar ? Et comment ont-ils/elles fait face aux séquelles et aux souvenirs du drame ?
Ce devoir de mémoire majeur, on le doit aux frères Jules et Gédéon Naudet, déjà auteurs des documentaires choc New York : 11 septembre (2002) et New York : 11 septembre, 10 ans après (2011) qui racontaient l’attaque terroriste survenue au World Trade Center en 2001. Les deux cinéastes vont ici à la rencontre de 40 témoins, impliqués malgré eux dans cet événement qui fit basculer leur vie. Et celle de tout un pays. Ils restituent les récits à travers trois épisodes (les terrasses et le Stade de France / le Bataclan / la libération et la reconstruction) qui s’imposent comme un visionnage indispensable, à compléter avec 13 novembre, nos vies en éclat (2025). Pour ne pas oublier. Jamais.
Eagles of Death Metal : Nos Amis (2017)
Le groupe de rock Eagles of Death Metal sera à jamais associé au drame du 13 novembre 2015. La formation de Jesse Hughes jouait en effet sur la scène du Bataclan quand l’attaque terroriste a été initiée par le commando djihadiste dans les travées et la fosse de la salle de spectacle. Proche des musiciens, Colin Hanks a décidé de les suivre dans les mois qui ont suivi, jusqu’à leur retour sur scène à Paris en février 2016. Avec comme ligne de conduite de ne jamais verser dans le voyeurisme et le sensationnalisme, et de donner la parole à ses amis.
Le fils de Tom Hanks, déjà auteur du documentaire musical All Things Must Pass: The Rise And Fall Of Tower Records (2015) dédié au célèbre label, veut avant tout célébrer ici la force de l’amitié et de la résilience. Eagles of Death Metal : Nos Amis (2017) est ainsi composé de trois parties figurant l’avant, le pendant et l’après 13 novembre : une présentation du groupe et de sa musique ; l’attaque du Bataclan ; la tournée Nos Amis Tour qui a marqué le retour du groupe. Si on peut louer le documentaire pour son humanité et sa valeur testimoniale certaine, on peut regretter toutefois une dimension un peu trop hagiographique qui occulte certaines prises de position polémiques du leader Jesse Hughes.











































































































