« Dans la famille des super-héros made in France, je demande… » Contrairement à ce qu’on pourrait croire, la production hexagonale n’a pas laissé le genre super-héroïque au cinéma US. En effet, loin d’Hollywood et de ses blockbusters Marvel, DC et indépendants, il y a eu plusieurs tentatives notables pour revisiter les histoires de justiciers avec une « french patte ».
Entre approches sérieuses, franches comédies, œuvres d’auteurs et aventures animées, JustWatch vous dévoile la liste des films et séries françaises qui ont tenté de surfer sur la vague des « super » (on attend d’ailleurs avec impatience Feuille-Man avec Pierre Niney). Avec plus ou moins d’ambition et de réussite, il est vrai, mais en nous livrant parfois des pépites notables que j’ai classées selon ma préférence… du moins super au plus super !
16. Bloody Mallory (2002)
Une tueuse de démons et de créatures maléfiques, un réalisateur biberonné à L’Ecran Fantastique (où j’ai écrit dans mon jeune temps), une comédienne que j’aime beaucoup (Olivia Bonamy, hélas sous-exploitée par le cinéma français) : sur le papier, Bloody Mallory (2002) avait tout pour me plaire. Le résultat, qui aurait pu être un croisement français réjouissant entre le girl power de Buffy contre les vampires (1997-2003) et la chasse aux monstres de Hellboy (2004) est, il faut malheureusement l’avouer, assez pénible à regarder. Déjà, à l’époque. Et encore plus aujourd’hui alors que les effets visuels ont pris… 1000 ans. Mais il faut apprécier le film pour ce qu’il est : un croisement un peu nanardesque entre super-héroïne et fantastique, qui a été l’une des premières tentatives de la nouvelle vague de films de genre made in France et qui s’est distingué par son approche inclusive de personnages LGBTQ+. Et puis la bande originale est signée Kenji Kawai, à l'œuvre sur Ghost in the Shell (1995) et Ring (1998) !
15. Benoît Brisefer : les taxis rouges (2014)
En 1960, deux ans avant la création de Spider-Man, Iron Man et Hulk outre-Atlantique, Peyo donne naissance à un super-héros français dans les pages de Spirou. Béret noir, écharpe bleue et veste rouge, Benoît Brisefer est doté d’une force surhumaine (et accessoirement de super-vitesse et de super-saut)... sauf quand il s’enrhume. Alors que tous ignorent l’étendue de ses facultés, notre héros en culottes courtes affronte des criminels à Vivejoie-La-Grande avec l’insouciance de l’enfance. Avec son ton rétro, naïf et poétique, Benoît Brisefer : les taxis rouges (2014) rend hommage aux planches de l’auteur belge de BD, sous le parrainage de Gérard Jugnot, Jean Reno et Thierry Lhermitte. Cette qualité nostalgique est à la fois la grande qualité et le défaut majeur de cette œuvre finalement très datée, qui s’adresse plus aux grands-parents qu’à une génération biberonnée à Marvel et DC… A réserver aux fans de Spirou et Fantasio (2018), Le Petit Spirou (2017) et autres Boule & Bill (2013).
14. Phantom Boy (2015)
Si vous avez aimé le coup de crayon très particulier de Une vie de chat (2010) et Nina et le secret du hérisson (2023), vous aimerez forcément Phantom Boy (2015) du tandem Alain Gagnol & Jean-Loup Felicioli. Le garçon du titre n’est pas à proprement parler un fantôme : il peut en réalité sortir de son corps, comme une projection astrale volontaire, pour s’envoler à travers les murs de l’hôpital où il se trouve et observer le monde. Un don qu’il va mettre à profit pour aider un policier paralysé dans son enquête, alors qu’un terroriste informatique menace la ville. Touchant et original (le style graphique est inspiré du cubisme), le film est une proposition alternative à l’animation en images de synthèse souvent inhérente aux histoires de super-héros. On apprécie son joli casting vocal (Edouard Baer, Jean-Pierre Marielle, Audrey Tautou) et son traitement singulier de l’architecture new-yorkaise.
13. Black Snake, la légende du serpent noir (2019)
Clotaire Sangala, c’est un peu le Peter Parker africain. Là où le futur Spider-Man était piqué par une araignée pour acquérir ses super-pouvoirs, notre sapeur-glandeur est mordu par un serpent qui le transforme en Black Snake, un justicier qui va s’opposer au dictateur local. En tandem avec sa compagne Karole Rocher, Thomas Ngijol écrit, réalise et joue dans cette comédie située dans la Françafrique des années 70, où ce héros improbable affronte Michel Gohou et Edouard Baer. Vêtu façon Kato dans Le Frelon Vert (2011), assez lâche et même globalement un peu nul, le personnage plaira essentiellement aux fans de l’univers décalé de l’humoriste même si le rythme est un peu poussif en dépit d’une durée réduite (1h22mn). Il ne faut donc pas attendre un Black Panther (2018) francophone, mais plus un délire au croisement de OSS 117, alerte rouge en Afrique Noire (2021), Le Crocodile du Botswanga (2014) et Fastlife (2014), sa première réalisation solo que j’avais largement préférée.
12. The Prodigies (2011)
A l’origine de The Prodigies (2011), il y a un roman : La Nuit des Enfants Rois de Bernard Lenteric, dans lequel un groupe d’enfants surdoués, intégrés à un institut regroupant des intelligences hors-normes, utilisent leurs capacités pour se venger d’une agression. L’adaptation cinématographique, écrite par le tandem Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte (Le Prénom, Les Trois Mousquetaires, Le Comte de Monte-Cristo), opte pour des super-pouvoirs télépathiques qui font des personnages des versions modernisées de Scanners (1981) ou Akira (1988). Côté visuel, c’est l’une des premières productions françaises à s’essayer à la performance-capture, intégrant ainsi un jeu très humain à une animation stylisée. Un peu trop simple et prévisible dans sa trame narrative (je conseille vraiment le livre), The Prodigies vaut surtout le visionnage pour cette approche artistico-technique et sa volonté de livrer un film d’animation adulte, qui assume sa violence et ses traumas, préfigurant notamment la claque Arcane (2021-2024).
11. Super-héros malgré lui (2022)
Philippe Lacheau, c’est LA valeur sûre de la comédie française depuis Babysitting (2014) et Alibi.com (2016). Avec presque 3 millions d’entrées en moyenne par film, toujours entouré de sa bande (la bien nommée « Bande à Fifi ») le réalisateur-scénariste-producteur-comédien a su fédérer le public autour de son humour potache et cartoonesque, qui s’autorise tous les délires. Parmi ceux-ci, il y a Super-héros malgré lui (2022) qui passe le genre à la moulinette de gags décalés, alors qu’un acteur devenu amnésique après un accident de voiture pense qu’il est réellement le justicier Badman dont il porte le costume. Un pitch ultra-efficace qui lorgne du côté de Super (2010), ( Deadpool (2016) et Kick-Ass (2010) et qui permet au groupe de s’amuser avec les codes des super-héros, même si c’est peut-être leur film le moins inspiré de mon point de vue. En revanche, côté mise en scène, c’est vraiment ambitieux et spectaculaire !
10. Papy fait de la résistance (1983)
Depuis 1983, c’est un classique indéboulonnable de la comédie française. Presque un monument national. Et au-delà de sa satire mordante de la France occupée, Papy fait de la résistance recèle un super-héros au sein de son casting : Super-Résistant, campé par Martin Lamotte. Coiffeur poltron le jour, il endosse son masque, son smoking et son haut de forme la nuit venue pour combattre l’envahisseur nazi, tel un Arsène Lupin ou Fantômas de la Résistance. Adapté d’une pièce de théâtre, le film se donne les ambitions d’un grand film historique avec des décors, des costumes et une distribution impressionnante mêlant deux générations de comédiens, comme un pendant comique à Paris brûle t-il ? (1966). Très mal accueilli par la critique à sa sortie, Papy fait de la résistance trouve immédiatement un écho auprès du public, s’imposant parmi les incontournables du rire hexagonal avec ses cousins du Splendid (Les Bronzés, Les Bronzés font du ski, Le Père Noël est une ordure). Je lui préfère personnellement ces trois films, car le côté trop théâtral et parodique de Papy… me fatigue vite. Mais ça reste très personnel et le film n’a pas volé sa place aux côtés de La Grande Vadrouille (1966), Le Mur de l’Atlantique (1970), Les Bidasses en folie (1971) et Mais où est donc passée la 7ème compagnie ? (1973).
9. Fumer fait tousser (2022)
Derrière ce titre fabuleux se cache un film à sketches du prolifique Quentin Dupieux, dont l'univers barré et unique ne cesse de séduire un public de plus en plus large au fil des années (en témoignent les succès de Au poste !, Mandibules, Yannick, Incroyable mais vrai et Le Deuxième acte). Dans Fumer fait tousser (2022), on découvre la Tabac-Force, un groupe de cinq super-héros qui se mettent au vert pour renforcer leur cohésion d’équipe. Alors qu’une attaque du maléfique Lézardin se profile, on suit cette étrange retraite, entrecoupée d’histoires qui font peur au coin du feu (dont un délire aussi sanglant qu’improbable avec Blanche Gardin). Inclassable, comme tous les films du cinéaste, Fumer fait tousser peut laisser circonspect si on n’entre pas dans ce délire absurde et singulier, volontairement kitsch avec ses costumes de super sentaï. Comme par exemple cette marionnette de rat dégoulinante de bave, baptisée Chef Didier et doublée par Alain Chabat, qui dirige nos héros depuis sa salle de contrôle. Ça vous donne une idée de ce qui vous attend. Mais même si vous restez de marbre, la bonne nouvelle, comme toujours chez Dupieux, c’est que c’est court et sans fioritures (1h17mn) !
8. Vincent n’a pas d’écailles (2014)
Quand le cinéma d’auteur rencontre le film de super-héros -du moins la notion de super-pouvoir- ça donne Vincent n’a pas d’écailles (2014). Pour son premier long métrage après des courts remarqués, Thomas Salvador mise sur une approche naturaliste et sobre, anti-spectaculaire même, qui raconte comment un homme se découvre des facultés extraordinaires au contact de l’eau. Il y a presque un côté Incassable (2000) à la française dans cette proposition à hauteur d’homme, qui a été plébiscitée par de nombreux festivals pour son minimalisme et sa dimension contemplative et poétique. C’est clairement ce qui pourra surprendre celles et ceux qui y chercheraient un équivalent français d’Aquaman (2018) : l’enjeu est ici uniquement humain, et traite avec pudeur de la découverte des pouvoirs et de l’amour. C’est une vraie expérience, à prolonger avec La Montagne (2023), du même réalisateur.
7. Le Garçon invisible (2014)
Le Garçon invisible (2014) a pour titre original Il ragazzo invisibile, mais comme il s’agit d’une coproduction franco-italienne, il peut techniquement intégrer ce classement. Et c’est mérité, car cette proposition signée Gabriele Salvatores (Oscar du Meilleur film étranger 1992 avec Mediterraneo) aborde le genre super-héroïque par le prisme du mal-être adolescent, alors qu’un garçon de 13 ans, confronté à une scolarité difficile, se découvre le pouvoir de disparaître (un traitement qui rappelle la timide Violet Parr dans Les Indestructibles) Un don qu’il va mettre à profit pour se venger mais aussi affronter une organisation secrète qui menace ses camarades. J’aime beaucoup la patte très européenne du film, à la frontière du conte et du réalisme, qui rappelle les très réussis On l'appelle Jeeg Robot (2016) et Freaks Out (2021). A noter que Invisible Boy a eu droit à une suite en 2018.
6. Miraculous (2015-)
Attention, phénomène ! Depuis 2015, les aventures de Ladybug et Chat Noir font rayonner avec Totally Spies! (2002-) l’animation hexagonale et la vie parisienne dans le monde entier. L’univers Miraculous, imaginé par Thomas Astruc, se décline ainsi en série, en téléfilms, en long métrage, en spectacles et en produits dérivés des États-Unis à l’Australie. Un succès mondial qui a fait de Marinette Dupain-Cheng et Adrien Agreste de fiers représentants du super-héroïsme (et de l’art de vivre) à la française, alors qu’ils jonglent entre leur vie de collégiens et les attaques du super-méchant Papillon contre la capitale. Le design est immédiatement impactant et attachant, la mythologie des kwamis et akumas intéressante, et l’animation extrêmement fluide entre combats stylés et reconstitution « carte postale » de Paris. Moderne, girl power et inclusive, la série pèche évidemment par la dynamique répétitive de ses épisodes mais elle embarque ses fans par la relation maladroite entre ses deux héros, qui s’aiment sans le savoir derrière leurs identités secrètes. Je recommande vraiment d’aller au-delà de potentiels a priori et d’y jeter un œil pour comprendre l’ampleur de la Miraculous-Mania.
5. Comment je suis devenu super-héros (2020)
En 2020, Warner Bros. et Netflix font le pari d’un vrai film du genre, traité façon polar : Comment je suis devenu super-héros, adapté du roman de Gérald Bronner. Biberonné aux comics, le réalisateur Douglas Attal (acteur dans Radiostars) porte le projet à bout de bras pendant plusieurs années (j’ai personnellement suivi son attachement et son acharnement à concrétiser sa vision !) et parvient à fédérer un casting composé de Pio Marmaï, Vimala Pons, Benoît Poelvoorde, Leïla Bekhti et Swann Arlaud. Une distribution solide qu’il plonge dans un Paris où les super-pouvoirs sont intégrés à la société : quand une drogue conférant des facultés spéciales à ses usagers se répand dans la capitale, deux inspecteurs mènent l’enquête, aidés par deux anciens justiciers à la retraite. Assumant une approche réaliste, loin de la déferlante visuelle d’un Marvel, le long métrage lorgne du côté urbain de Watchmen (2009), Daredevil (2015-2018) et la trilogie The Dark Knight (2005-2012), avec les limites d’un budget hexagonal. Grâce à ses personnages fatigués, son approche intime et son propos sur les conséquences des pouvoirs, le film trouve sa place entre The Boys (2019-) et Heroes (2006-2010).
4. La Dernière vie de Simon (2020)
Avant d’exploser dans Eté 85 (2020) et Illusions Perdues (2021), Benjamin Voisin s’est illustré dans La Dernière vie de Simon (2020). Il y a du Spielberg (si, si !) dans cette pépite passée malheureusement inaperçue (moins de 25 000 entrées en salles), qui suit les pas d’un orphelin capable de prendre l’apparence de n’importe quelle personne qu’il touche. Que ferait-on avec une telle faculté, notamment quand on n’a pas encore trouvé sa place ? Ce drame teinté de fantastique, qui revisite le pouvoir de la métamorphe Mystique (X-Men : le commencement, 2011) avec beaucoup de subtilité, interroge la notion d’identité de manière originale et sensible, sans cynisme ni mise à distance. En résulte un joli conte à la Benjamin Button (2008), qui était l’un de mes coups de cœur cinéma de 2022.
3. Les As de la jungle (2011-)
Oui, Les As de la jungle sont bien des super-héros ! Et français, s’il vous plaît ! Depuis 2011, à travers des séries, des téléfilms et des longs métrages, Maurice, Junior, Miguel, Gilbert et Batricia se battent en équipe justicière animalière pour maintenir la paix et la justice dans leur habitat naturel. J’aime beaucoup l’humour loufoque et l’univers de cette bande improbable menée par un manchot tigré dont le fils adoptif est un poisson rouge (!), imaginée par la joyeuse équipe toulousaine de TAT Productions (dernièrement à l'œuvre sur la série Astérix et Obélix : le combat des chefs d’Alain Chabat). Et j’adore le casting vocal, qui rassemble les plus grandes voix de l’univers du doublage : Michel Mella, Emmanuel Curtil, Céline Monsarrat, Barbara Tissier, Barbara Beretta, Emmanuel Garijo, Maïk Darah… Et même les légendes Alain Dorval et Richard Darbois sur le film de 2017. Ne limitez pas ces aventures à votre progéniture : Les As de la jungle sont pour le grand enfant qui sommeille en chacun.e de nous ! Comme Kung Fu Panda (2008), Madagascar (2005) ou Rio (2011).
2. Hero Corp (2008-2017)
Dans la famille Astier, je demande le petit frère ! Pendant que son frangin Alexandre Astier concevait les dernières saisons de Kaamelott (2005-2009), Simon Astier élaborait -avec son compère Alban Lenoir- une revisite de l’univers des super-héros, avec une patte (très) décalée et une envie sincère de s’amuser. Le résultat, c’est Hero Corp (2008-2017), qui nous plonge durant 5 saisons dans une communauté super-héroïque de Lozère où sont réunis les justiciers vieillissants, débutants… ou les moins doués. On survalide cette série pour ses personnages hauts en couleurs, ses pouvoirs improbables, son ton absurde et mélancolique et surtout sa sincérité et son amour du genre, qui compense la légèreté du budget par un système D réjouissant et une écriture ciselée. Souvent présentée comme une cousine de Kaamelott, Hero Corp est à rapprocher de programmes comme Misfits (2009-2013) ou Community (2009-2015), un peu comme un The Office (2005-2013) qui intégrerait les personnages de X-Men (2000).
1. Les Sentinelles (2025-)
Avec la création originale Les Sentinelles (2025-), Canal+ livre la réponse française à Captain America : First Avenger (2011). Et quelle réponse ! Adaptée des bandes dessinées de de Xavier Dorison et Enrique Breccia, la série revisite la Première Guerre mondiale à travers une uchronie qui voit des soldats laissés pour morts dans les tranchées être recrutés par un programme ultra-secret. Améliorés grâce à un super-sérum et équipés d’armures métalliques impressionnantes (les fans de Jin-Roh, la brigade des loups apprécieront), ils sont chargés de mener à bien des missions périlleuses sur le champ de bataille. Entre Un long dimanche de fiançailles (2004) et Rocketeer (1991), la proposition est aussi ambitieuse que réussie, avec un traitement « premier degré » qui respecte le matériau original et le spectateur. Quand une production française embrasse ainsi le genre -ou plutôt les genres-, on ne peut qu’applaudir. Moi, en tout cas, j’applaudis. Et je binge !










































































































