Entre flics torturés, enquêtes sous tension, crimes impossibles et esthétiques sombres, le polar télévisé a connu une véritable révolution au cours de la dernière décennie, grâce à des programmes streaming ambitieux et passionnants.
Des brumes anglaises aux fjords scandinaves, des bureaux du MI5 aux forêts américaines, ces séries racontent les crimes à travers des scénarios toujours plus complexes, et toujours plus prenants. Chacune d’elles explore ses ténèbres à sa façon : certaines s’enfoncent dans la psychologie, d’autres dans la politique, la technologie ou la tragédie. Toutes, pourtant, témoignent d’un genre devenu majeur.
Voici mon guide JustWatch des 14 séries policières essentielles, classées du très bon… au chef-d'œuvre.
14. Une nature sauvage (2025)
Avec Une nature sauvage (1 saison, 6 épisodes), Netflix déplace l’enquête policière au cœur du parc national de Yosemite, aux États-Unis. La série suit Kyle Turner (Eric Bana), agent du National Park Service, convaincu que la chute mortelle d’une jeune femme du haut d’El Capitan - un sommet local - n’est pas un accident. Sam Neill et Rosemarie DeWitt complètent un casting solide qui sert une ambiance minérale, hantée par la perte et l’isolement.
Plus proche de Broadchurch (2013–2017) par sa sensibilité et l'implication de toute une communauté, Une nature sauvage privilégie les silences, la nature et la lenteur. Même si j'ai pu me demander parfois si la série ne finirait pas par souffrir de longueurs, ce rythme plutôt lent est finalement cohérent avec la splendeur de la nature. On se laisse emporter tout autant par le paysage que par l'histoire. Si vous aimez les polars à ciel ouvert, on pense à la rudesse nord-américaine du film Wind River (2017) et à la mélancolie des grands espaces de Yellowstone (2018–2024). Une porte d’entrée idéale vers un polar contemplatif sans jamais perdre la tension.
13. True Detective (2014–)
Série anthologique, True Detective (4 saisons depuis 2014) revisite le crime à travers des atmosphères et des duos marquants. La saison 1 reste un jalon avec Matthew McConaughey et Woody Harrelson ; la saison 4, portée par Jodie Foster et Kali Reis, replace l’enquête dans une nuit arctique oppressante, preuve que la série sait retomber sur ses pattes malgré la chute.
Je parle de chute, car il est vrai que les saisons 2 et 3 ne sont pas à la hauteur de la première. Mais étant une série d'anthologie, il ne faut surtout pas que ça vous freine, puisque la première saison est incontournable ! Contrairement à Luther (2010–2019), frontal et viscéral, True Detective mise sur une lenteur hypnotique, des paysages mentaux et un trouble moral constant. Si vous privilégiez l’angoisse existentielle aux courses-poursuites, c’est un incontournable ; et pour une variation nordique, Fortitude (2015–2018) offre un climat comparable, plus glacial encore.
12. Harry Bosch (2014–2021)
Adaptée des romans de Michael Connelly, Harry Bosch (7 saisons) suit Harry Bosch (Titus Welliver), flic obstiné de la criminelle du LAPD. Enquêtes croisées, procédures réalistes, ville filmée sans fard : la force de la série tient à sa rigueur, son refus du tape-à-l’œil et son attachement au quotidien du métier. Nous sommes loin du bling bling de Los Angeles, alors que les palmiers ont bien du mal à masquer la noirceur de la ville dans laquelle notre anti-héros exerce.
Bosch revendique la sobriété : c’est le polar des puristes. Si vous souhaitez prolonger l’expérience, Bosch : Legacy (2022) prend le relais en modernisant l’ADN sans trahir l’essentiel. Puis pour changer totalement de paysage mais garder cette sobriété, Shetland est la série qu'il vous faut ! Pour un contrechamp plus romanesque, essayez Sherlock (2010–2017), tout aussi brillant mais plus ludique.
11. Les Dossiers oubliés (2025–)
Avec Les Dossiers oubliés (1 saison), Netflix revisite l’univers sombre et méthodique des affaires classées à Édimbourg. Matthew Goode incarne un inspecteur aussi brillant que brisé, contraint de diriger une équipe de marginaux pour résoudre des crimes que tout le monde a oubliés. Conçue par Scott Frank et Chandni Lakhani, la série mêle précision d’écriture, tension silencieuse et regard profondément humain sur la culpabilité et la rédemption. Loin des clichés de l’enquête classique, elle s’attarde sur les blessures qu’on rouvre en cherchant la vérité.
Plus psychologique que spectaculaire, Les Dossiers oubliés évoque Mindhunter (2017–2019) par sa précision et sa patience, tout en gardant l’élan émotionnel d’un Happy Valley (2014–2023). Carl Morcke, le personnage principal, est la version policière et britannique de Dr. House : on s'y attache tendrement mais on comprend qu'il ne soit pas tellement aimé par son entourage. Si vous aimez les puzzles moraux où chaque détail compte, vous serez servi.
10. Mindhunter (2017–2019)
Signée David Fincher et Joe Penhall, Mindhunter (2 saisons) raconte la naissance du profilage criminel au FBI à la fin des années 1970. Peu de violence à l’écran, mais des face-à-face glaçants avec des tueurs qui ont réellement existé : ici, le malaise naît des mots, pas des effets. La série est tout aussi prenante qu'intéressante, alors que les acteurs sont à glacer le sang.
Plus clinique que The Fall (2013–2016) et moins procédurale qu’un Bosch, la série hypnotise par sa mise en scène chirurgicale et son tempo feutré. On en sort fasciné… et frustré qu’elle se soit arrêtée trop tôt. À défaut d’une saison 3, Zodiac (2007) en est le miroir cinématographique naturel.
9. Happy Valley (2014–2023)
Dans Happy Valley (3 saisons), Sarah Lancashire incarne Catherine Cawood, sergente dans le Yorkshire, dont la vie privée percute sans cesse le terrain. Écriture d’orfèvre, interprétations magistrales, tension sans esbroufe : c’est l’un des visages les plus humains et bouleversants du polar britannique.
Moins grandiloquente qu’Une nature sauvage et moins conceptuelle que The Capture (2019) dont je vous parle juste après, la série de Sally Wainwright excelle dans la vérité des situations et la portée morale. Si Broadchurch vous a marqué, Happy Valley vous touchera autant, peut-être davantage.
8. The Capture (2019– )
The Capture (2 saisons, saison 3 annoncée) démonte notre confiance dans l’image. Deepfakes, preuves manipulées, narrations truquées : Holliday Grainger porte une enquête paranoïaque où la sécurité nationale se confond avec la désinformation. Plus contemporaine et nerveuse que Sherlock, moins brut que Luther, The Capture brille par sa lucidité technopolitique. La série arrive à réinventer le genre avec brio, en prenant l'angle de la technologie pour élucider ou commettre des crimes.
Qu'est-ce qu'on peut croire ? C'est la question très actuelle que pose la séries. Elle est au croisement du polar et de l’espionnage, et je ne peux qu'en redemander. Pour rester dans ce sillage, Mr. Robot (2015–2019) offre une veine paranoïde plus radicale, tandis que Slow Horses (2022–), qui la suit dans ce classement, joue la carte de l’espionnage acide.
7. Slow Horses (2022– )
Portée par Gary Oldman, Slow Horses (5 saisons) suit les « recalés » du MI5 parqués à Slough House sous la férule de Jackson Lamb, génial et invivable. Adaptée de Mick Herron, la série marie intrigue d’espionnage, humour noir et mélancolie bureaucratique. Moins tragique que The Fall et plus caustique que The Capture, c’est une cure de vitriol sur le renseignement britannique. Je vous préviens, je suis absolument fan de cette série qui me fait rire, parfois, et me fait stresser, toujours.
C'est un délice de mystères, de grossièretés, d'intrigues qui ne cessent de surprendre, avec un Gary Oldman comme on ne l'a jamais vu. Nous sommes loin, très loin, du côté spectaculaire des histoires d’espionnage à la James Bond, mais c'est ce qui rend cette série si addictive : tout semble possible, tout est cru. Si La Taupe (2011) est votre référence, vous trouverez ici une déclinaison moderne, plus drôle mais tout aussi acérée.
6. Babylon Berlin (2017– )
Fresque néo-noire, Babylon Berlin (4 saisons) nous plonge dans le Weimar finissant, entre corruption, luttes sociales, clubs décadents et dérive autoritaire. À l'heure où Berlin était déjà la terre d'accueil des marginaux, la fin des Années Folles se montre très amère alors que le nazisme pointe le bout de son nez. Babylon Berlin a de l'ambition, autant visuelle que sonore, et ne cesse de surprendre par un style tout aussi sombre que poétique, et une musique tout aussi douce qu'entraînante. On y trouve une grande ampleur romanesque et un regard politique passionnant.
Babylon Berlin scrute un monde au bord du gouffre. C'est la série que je conseille tout le temps car elle permet de découvrir une époque et une ville contrastées, tout cela sur fond d'enquêtes très bien écrites. Si vous aimez les séries allemandes, dirigez-vous ensuite vers Deutschland 83 (2015).
5. Sherlock (2010–2017)
Dans Sherlock (4 saisons), Benedict Cumberbatch et Martin Freeman réinventent Conan Doyle à l’ère du smartphone. Épisodes façon longs-métrages, mise en scène nerveuse, humour en rafales : c’est une modernisation devenue classique. Sherlock Holmes version moderne ? Ça peut faire peur, je vous l'accorde, car que serait Sherlock en dehors de cette période victorienne ou edwardienne ? Eh bien détrompez-vous, Sherlock au XXIème siècle, ça fonctionne. Les histoires sont parfaitement adaptées, la personnalité antipathique du détective est maintenue, tandis que Martin Freeman campe un Watson loyal, militaire, mais d'une douceur admirable.
Plus joueur qu’Une nature sauvage et plus flamboyant que Bosch, Sherlock est le versant pop du polar de prestige. La série est d'une intelligence folle, et c'est un plaisir pour tous les fans du héros de Conan Doyle. Pour rester sur ce tempo, Lupin (2021–) propose un plaisir similaire, moins cérébral mais très efficace.
4. Bron/Broen (2011–2018)
Coproduction suédo-danoise, Bron/Broen (4 saisons) s’ouvre sur un corps retrouvé à la frontière entre Malmö et Copenhague. L’enquête, partagée entre la Suède et le Danemark, réunit deux policiers que tout oppose : Saga Norén, méthodique jusqu’à la froideur, et Martin Rohde, impulsif, plus émotif. Ambiance froide, critique sociale : le manifeste du « Nordic Noir » moderne. Bron/Broen observe la société scandinave sous un prisme très sombre. On y retrouve cette lenteur hypnotique propre aux productions nordiques, mais chaque détail — un plan de route, une conversation maladroite, une histoire qui s’installe lentement — fait progresser le récit dans une atmosphère bouleversante.
La violence n’est pas dans l’action, mais dans la tension qui ne se relâche jamais. Les deux détectives sont parfaitement écrits, parfaitement opposés, parfaitement complémentaires. Tout est fait pour que l’on observe les crimes et la noirceur à travers leurs yeux si différents. L’un est plus sensible, l’autre est plus froide. Si vous aimez les polars où l’atmosphère devient personnage, Bron/Broen est une expérience à part, exigeante mais inoubliable. Si vous découvrez le polar scandinave, commencez ici avant The Killing (2007–2012).
3. The Fall (2013–2016)
The Fall (3 saisons) met en scène un jeu de miroir obsédant entre un tueur méthodique, incarné par Jamie Dornan, et l’inspectrice Stella Gibson, jouée par une Gillian Anderson d’une grande justesse. Dès le premier épisode, le spectateur connaît le coupable : la série ne parle donc pas de la découverte du crime, mais de la lente décomposition morale qui en découle. Cette approche renverse les codes du polar pour en faire un drame psychologique. Le génie de The Fall tient dans sa capacité à mêler tension et compassion sans jamais tomber dans le voyeurisme. Elle explore la violence masculine souvent plus déstabilisante qu’un bain de sang. Belfast, filmée comme un labyrinthe, devient un personnage à part entière — gris, humide, imprévisible, à l’image de ses protagonistes.
Cette série nous montre que les prédateurs ne sont pas des monstres, mais des « monsieur tout le monde », pères de famille dévoués, prêts au pire pour se sentir en contrôle. Anderson livre une performance magnétique, tandis que Dornan incarne un monstre ordinaire, trop humain pour être oublié. The Fall s’impose comme l’un des sommets du polar psychologique contemporain. Une série à la fois élégante et dérangeante, où le Mal se glisse dans la banalité du quotidien.
2. Broadchurch (2013–2017)
Broadchurch (3 saisons) démarre par la mort d’un enfant et dresse le portrait d’une communauté en miettes. David Tennant et Olivia Colman, les deux détectives en charge de l’affaire, livrent des performances d’une immense intensité : lui, rongé par la culpabilité et la colère ; elle, habitée par une empathie douloureuse. La série trouve dans ce duo une justesse presque insoutenable, renforcée par une mise en scène sensible et une bande-son magnifique signée Ólafur Arnalds, dont les notes semblent prolonger le deuil collectif. Rien n’y est forcé : tout repose sur le silence, sur la respiration des acteurs, sur la tension que porte chaque mot. Jodie Whittaker et Andrew Buchan, les parents endeuillés, parviennent à nous briser le cœur à chaque épisode par la sincérité et la fragilité de leur jeu.
C’est tout simplement le meilleur whodunit (sous-genre du polar où il faut identifier le/la coupable parmi une galerie de personnages) que j’aie pu voir, dans lequel chaque personnage devient suspect de ce crime qui atteint toute une ville. Chaque vie, chaque famille, est scrutée et tous les secrets sont mis à nu, révélant que chaque être humain porte ses ombres. Broadchurch se démarque beaucoup des autres séries de ce classement, même si on y retrouve le côté poignant et viscéral de Happy Valley. C’est une tragédie moderne qui mêle beauté et désespoir, une série qui ne montre pas seulement la perte, mais la cicatrice qu’elle laisse. Si vous aimez les drames d’enquête, c’est un indispensable, porté par un duo d’acteurs à leur sommet et une musique qui continue de résonner bien après le générique.
1. Luther (2010–2019)
Au sommet de ce classement, Luther (5 saisons) impose Idris Elba en flic rongé par l’obsession de justice au point d’en franchir toutes les limites. La série oscille entre tragédie moderne et pulsion autodestructrice. Plus qu’un simple polar, Luther dépeint un véritable anti-héros : un détective en ruine, hanté par ses fantômes, contrôlé par sa colère, prêt à sacrifier sa morale pour coincer les pires criminels. Tout cela dans un Londres noir, dangereux, effrayant.
La série est une vraie expérience émotive qui fait du personnage un symbole du chaos. Ici, Idris Elba montre l'étendue de ses talents d'acteur en réussissant à faire ressortir en même temps ses côtés les plus humains et les plus sauvages. Il est tout simplement bluffant. Sur son visage, on lit une peine immense, une haine qui le contrôle mais aussi un véritable amour qui l’anime autant qu’il le détruit. Luther, c’est la version britannique et réaliste de The Dark Knight (2008).











































































































