Dans le bestiaire fantastique de Guillermo del Toro, il y a du monde ! Depuis son tout premier film Cronos (1993), le réalisateur mexicain, véritable amoureux des créatures, a fait des monstres son langage. Et de la peur, un art.
Dans chacun de ses longs métrages, des êtres fantastiques, souvent rejetés ou incompris, peuplent les ténèbres pour mieux révéler la lumière du monde. Ce sont eux, les véritables héros : créatures d’ombres, de chair et de poésie, qui incarnent la fragilité humaine derrière des masques d’horreur.
Du charme amphibien de La Forme de l’eau à l’effroi viscéral du Labyrinthe de Pan, JustWatch a classé les créatures de Guillermo del Toro, de la moins effrayante à la plus terrifiante, autour de huit films emblématiques.
8. La Forme de l’eau (2017)
Le moins cauchemardesque des monstres de Guillermo del Toro est sans aucune discussion l’amphibien aux écailles kakis et turquoises et aux yeux d’or de La Forme de l’eau (2017). Captive d’un laboratoire militaire américain pendant la Guerre Froide, la créature devient l’objet d’un amour impossible avec Elisa, une femme muette (Sally Hawkins). Le cinéaste inverse ici les codes du monstre classique : celui qu’on enferme et que l’on craint est en réalité l’incarnation la plus pure de l’Humanité.
Derrière cette romance aqueuse qui se joue dans les regards et les silences, Guillermo del Toro interroge la peur de la différence et la cruauté des institutions. Pour prolonger cette tendresse surréaliste, on n’hésite pas à s’installer devant Edward aux mains d’argent (1990) de Tim Burton ou encore La Belle et la Bête (1946), version Jean Cocteau, où l’amour apprivoise la monstruosité.
7. Hellboy (2004) / Hellboy II (2008)
Mi-homme mi-démon, c’est l’un des personnages les plus emblématiques de l’univers de Guillermo del Toro qui a réalisé Hellboy (2004) et sa suite Hellboy II : les légions d’or maudites (2008) . Physiquement, il est facilement reconnaissable : peau rouge, cornes limées… et une main hypertrophiée faite de pierre qui lui donne une force herculéenne. Mais derrière cette apparence de colosse infernal se cache une profonde humanité : Hellboy doute, aime, s’attache et tente de trouver sa place dans un monde qui le craint autant qu’il a besoin de lui.
Guillermo del Toro a filmé avec tendresse cette figure de comics qui refuse le destin que d’autres ont tracé pour lui : détruire le monde. Entre deux combats contre des créatures venues d’ailleurs, il fume un cigare, fait des blagues, s’occupe de ses chats et tombe amoureux. C’est ce mélange de grotesque et de mélancolie, qui rend Hellboy inoubliable. Et l’interprétation touchante et décalée de Ron Perlman. Si vous aimez les antihéros cabossés, partagés entre lumière et ténèbres, Constantine (2005) ou Spawn (1997) prolongeront parfaitement ce goût pour les justiciers des enfers.
6. L’Échine du diable (2001)
Dans les couloirs silencieux d’un orphelinat espagnol, un fantôme d’enfant erre : Santi, victime d’un meurtre resté impuni. Son crâne fissuré laisse s’échapper un filet de sang flottant, symbole d’une innocence sacrifiée. Avec L’Échine du diable (2001), Guillermo del Toro signe un conte tragique où le fantastique se mêle à la guerre civile espagnole.
L’Échine du diable, ce n’est pas un film d’horreur mais une méditation sur la mémoire et la culpabilité. Le fantôme devient ici la trace du passé qu’on ne peut effacer. Pour ceux qui aiment les drames surnaturels empreints d’émotion, Les Autres (2001) ou Sixième Sens (1999) résonneront avec la même douceur funèbre.
5. Crimson Peak (2015)
Rouge, translucide, presque liquide, le spectre de Crimson Peak (2015) hante un manoir où chaque mur saigne le souvenir d’un secret. Edith Cushing (Mia Wasikowska), jeune écrivaine romantique, y découvre que les fantômes ne sont pas toujours ceux qu’on croit. Guillermo del Toro y rend hommage au gothique anglais, à ses amours maudites et à ses demeures piégées.
Visuellement somptueux, le film évoque un poème macabre sur l’amour et la trahison. Chaque apparition de fantôme semble plus mélancolique qu’horrifique, comme un écho de douleur figé dans le marbre. Si cette élégance ténébreuse vous séduit, explorez Rebecca (1940) d’Alfred Hitchcock, où l’ombre du passé continue de respirer.
4. Mimic (1997)
Guillermo del Toro signe ici l’un de ses films les plus viscéraux : Mimic (1997), thriller horrifique où des insectes créés pour sauver l’humanité, finissent par l’imiter, grandir et la chasser. Dans le métro new-yorkais, ces créatures aux silhouettes humanoïdes sont une métaphore de la peur de l’évolution et de la contamination.
Plus brut et moins lyrique que ses œuvres suivantes, Mimic témoigne pourtant de la même obsession : la transformation du corps et les dérives de la science. Le film capture cette horreur biologique à la frontière du réalisme et du cauchemar. Les amateurs de mutations terrifiantes peuvent poursuivre avec La Mouche (1986) de David Cronenberg ou Under the Skin (2014) de Jonathan Glazer.
3. Blade II (2002)
En reprenant la saga avec Blade II (2002), Guillermo del Toro insuffle sa touche organique et baroque au mythe du vampire. Les « Reapers », vampires mutants qui s’attaquent à leurs propres congénères, incarnent un stade supérieur de la prédation : des créatures effilées, à la mâchoire fendue, terrifiantes mais fascinantes.
Ce second volet, plus stylisé et plus gothique, témoigne de sa maîtrise de la lumière et de la chair, du sang et du métal. Derrière l’action furieuse, le cinéaste interroge encore une fois la monstruosité comme reflet de l’homme. Pour prolonger cette esthétique vampirique et nihiliste, tentez 30 Jours de nuit (2007) ou Let the Right One In (2008).
2. Le Labyrinthe de Pan (2006)
C’est sans doute l’une des plus grandes créations de Guillermo del Toro. Le Faune, mi-bouc, mi-arbre, surgit d’un labyrinthe pour guider Ofelia, fillette échappant aux horreurs du franquisme. Mais peut-on lui faire confiance ? Son visage grave et son langage énigmatique nourrissent un doute constant : ange gardien ou messager de la mort ?
Dans Le Labyrinthe de Pan (2006), il y a aussi le Pale Man, cet étrange personnage dépourvu d’yeux, qu’il place dans les paumes de ses mains pour voir ses proies… provoquant un certain malaise chez le spectateur. Guillermo del Toro filme ici la foi de l’enfance et la cruauté du réel avec une justesse bouleversante. Pour prolonger ce voyage entre rêve et cauchemar, regardez Coraline (2009) ou Dark Crystal (1982), autres fables sombres où la pureté affronte la peur.
1. Frankenstein (2025)
C’est le rêve de toute une vie pour Guillermo del Toro. Depuis ses débuts, il veut adapter l’histoire de Mary Shelley, roman fondateur du mythe du monstre incompris. Sa version de Frankenstein (2025), avec Jacob Elordi, Oscar Isaac, Andrew Garfield et Mia Goth, en est une relecture poignante : celle d’un être créé par l’homme, rejeté par tous, et en quête d’amour. Dans la peau rafistolée de la créature, Jacob Elordi paraît totalement effrayant dans un premier temps, avant de s’adoucir.
Guillermo del Toro voit en lui non pas un monstre, mais une victime du regard des autres — l’aboutissement de tout son cinéma, entre mélancolie et humanisme. Si vous avez déjà vu et apprécié le film, n’hésitez pas à voir ou revoir L’Étrange créature du lac noir (1954), qui, comme ce Frankenstein, nous rappelle que la véritable horreur réside dans la solitude.










































































































