L’industrie hollywoodienne traverse une crise narrative depuis un certain moment et, plutôt que de parier sur la création de nouveaux univers et sur leur public potentiel, elle revient sur ses propres pas et choisit de se plonger dans des mondes, des récits et des personnages préexistants. Remakes, reboots, suites ou prequels – même si chacun de ces formats obéit à une logique interne liée au fan-service, le sentiment sur lequel ils misent reste le même : la nostalgie.
Certes, les résultats ne sont pas à la hauteur des attentes la plupart du temps et créent une déception douce-amère par rapport aux œuvres originales, mais il existe tout de même de rares cas où des séries ou des films parviennent à se servir de la nostalgie pour concevoir des mondes fictifs à la fois familiers et originaux. Et la série phénoménale de Netflix, Stranger Things (2016-2025), en fait certainement partie.
L’esthétique rétro, ses hommages stylistiques aux cinéastes du cinéma de genre et ses easter eggs ont contribué à installer une véritable tendance « 80’s » au sein de la culture pop. Alors que les retentissements de ce retour aux eighties semblent perdurer jusqu’à aujourd’hui, avec un nombre croissant de remakes, suites et prequels sortis en 2025, jusqu’à la cinquième saison des aventures de Eleven, dont la première partie est arrivée sur Netflix le 26 novembre.
En attendant de voir si Stranger Things retrouvera fera ses adieux à ses fans avec un final digne de l’imaginaire qu’elle a établi saison après saison, on explore les autres films et séries de l’année 2025 qui s’inspirent de la culture cinématographique des années 80, afin de voir si la nostalgie qu’ils procurent tient bon face à l’œuvre originale.
Running Man (2025)
Sorti au début du mois de novembre 2025, Running Man (2025) ne fait pas l’unanimité chez les critiques quant à ses mérites, mais il est clair que la vision d’Edgar Wright ne relève en rien d’une nostalgie paresseuse. Il cherche au contraire une proposition plus proche du livre de Stephen King que ne l’était l’adaptation de 1987, qui voyait le colosse Arnold Schwarzenegger dans le rôle de Ben Richards. L’adaptation d’Edgar Wright comporte sans doute quelques touches de rétrofuturisme, mais à la différence du premier film, sa version est une œuvre beaucoup plus flamboyante et spectaculaire, conforme au registre du thriller d’action.
Même si le récit s’articule autour d’un jeu télévisé, Wright nourrit son univers filmique de divers paysages et lieux selon la logique du road movie mortel auquel son protagoniste doit faire face. En outre, comme la relation du cinéaste aux pastiches cinématographiques est ancienne, et mis à part quelques clins d’œil ponctuels – par exemple le visage de Schwarzenegger qui figure sur les billets de 100 dollars – il est capable d’absorber références et influences pour les transformer en une vision auteuriste et unique.
Tron: Ares (2025)
Parmi les entrées de cette liste, il y a aussi bien des films qui s’approprient directement l’esthétique des années 80 que d’autres, produits durant cette période, mais qui se projettent dans des univers lointains ou imaginaires. Tron: Ares (2025) appartient à cette deuxième catégorie. Le film constitue le troisième volet de la franchise Tron, inaugurée par le film de 1982, qui avait rapidement attiré l’attention des fans de science-fiction fascinés par son imagerie singulière et son monde virtuel créatif et immersif. Mais malgré son statut culte, sa popularité restait sans commune mesure avec Star Wars ou Star Trek, ce qui a largement retardé l’arrivée du deuxième volet, Tron : L'Héritage (2010), sorti 28 ans plus tard. Ce deuxième film a rencontré un succès relativement favorable, tout en suscitant certaines réticences quant à la possibilité d’un troisième chapitre.
Sorti lui aussi après une longue pause – qui a sûrement contribué à la baisse d’intérêt – Tron: Ares n’a malheureusement pas réussi son pari au box-office. Plusieurs facteurs expliquent cet échec, à commencer par la présence de Jared Leto, qui a développé une certaine notoriété en matière de « flops » – oui, on parle bien de Morbius (2022) ! – mais aussi à cause des attentes d’un public aujourd’hui moins impressionné par les effets visuels que la franchise pouvait offrir il y a 40 ans. Mais pour les fans de SF, le film reste une belle proposition. Si vous aimez l’esthétique néon-cyberpunk et les récits futuristes, Tron: Ares mérite le coup d’œil – et d’oreille aussi, grâce à sa bande originale immersive signée par les légendaires Nine Inch Nails.
Karaté Kid: Legends (2025)
Plus qu’une simple série de films d’arts martiaux, la franchise Karaté Kid a été un véritable phénomène des années 80 qui a profondément marqué une génération. Le premier film, où le jeune Daniel LaRusso affronte ses harceleurs grâce à son maître de karaté, M. Miyagi, qui lui enseigne la discipline, la patience et le respect de soi, demeure un classique qui défie le temps. Après trois suites – Karaté Kid : Le Moment de vérité 2 (1986), Karaté Kid 3 (1989) et Miss Karaté Kid (1994) – la franchise a connu un remake en 2010 avec Jaden Smith et Jackie Chan, qui déplaçait l’action en Chine et remplaçait le karaté par le kung-fu. Gagnant à nouveau en popularité grâce à la série télévisée Cobra Kai (2018-2025), l’univers s’est élargi jusqu’à rassembler toutes ses branches narratives dans Karaté Kid: Legends (2025).
On y retrouve l’iconique Daniel LaRusso, toujours interprété par Ralph Macchio, et M. Han, le maître de kung-fu de la version 2010, incarné par Jackie Chan, qui unissent leurs forces pour entraîner Li Fong, le petit-neveu de M. Han. Pour les fans de la franchise, Karaté Kid: Legends trouvera sans doute le bon équilibre entre nostalgie et nouveauté : un véritable film feel-good. Mais comme il s’agit d’un récit qui repose largement sur des références aux films précédents – à la différence, par exemple, de Predator: Badlands ou Alien: Earth, que j’explore dans les lignes suivantes – certains y verront peut-être moins d’attrait. Donc, si le film vous intrigue, essayez au moins de voir le premier long-métrage ainsi que le remake de 2010 avant de lancer le visionnage !
Predator: Badlands (2025)
En comparaison avec d’autres franchises que les studios peinent à ressusciter, Predator est sans doute un cas unique. Avec l’engagement du cinéaste Dan Trachtenberg d’abord sur Prey (2022), puis cette année sur le film animé Predator: Killer of Killers (2025) suivi de Predator: Badlands (2025), la franchise a réussi à se réactualiser et a gagné en popularité. Les films suivaient jusqu’alors une formule assez simple et efficace : des êtres humains sont poursuivis par un ou plusieurs extraterrestres farouches et redoutables qui cherchent à les tuer. Trachtenberg est parvenu à dépasser le registre thriller-action auquel les films avaient été confinés, et en approfondissant ses récits avec des lieux, des époques et des cultures différentes, le cinéaste a pu aborder la question de la survie sous un autre angle.
Sous sa direction, la franchise a également développé un nouveau lore autour des extraterrestres chasseurs, ce qui constitue en quelque sorte le noyau dur de l’entrée la plus récente, Predator: Badlands. Le film nous fait découvrir le monde des Yautjas, la race de chasseurs éponymes, où le jeune guerrier Dek, considéré comme très faible, est chassé de son clan. Déterminé à survivre et à prouver sa valeur, il s’allie avec une androïde endommagée (Elle Fanning, qui incarne non pas une mais deux synthétiques), Badlands est un excellent exemple d’expansion d’une franchise préexistante sans rester bloqué dans un fan-service stérile. La mise en scène et le travail de worldbuilding sont très impressionnants, comparables à ceux de films comme The Revenant (2015) et District 9 (2009).
Alien : Earth (2025)
Franchise de science-fiction de longue durée, Alien ne cesse d’étendre son univers tout en restant fidèle au matériel d’origine. Transformé et retravaillé par de nombreux esprits créatifs — James Cameron, David Fincher, Jean-Pierre Jeunet, parmi d’autres – l’univers fictif d’Alien demeure néanmoins largement sous l’égide de Ridley Scott, qui a également assumé le rôle de producteur délégué sur la série Alien: Earth (2025), diffusée cette année sur Disney+ en France. Comme Predator, la mythologie et l’esthétique d’Alien sont beaucoup trop vastes et développées pour se réduire aux premiers films tournés dans les années 1980. Néanmoins, tout comme Fede Alvarez, réalisateur du dernier film de la franchise, Alien: Romulus (2024), on voit que le showrunner Noah Hawley a pris soin de rester fidèle à l’imaginaire de la saga.
Certes, il y a du fan-service ici, mais il réside moins dans la stricte concordance avec les récits précédents que dans l’artisanat avec lequel les créateurs réinterprètent le monde plastique et technique qui caractérise l’univers et que les fans aiment redécouvrir. La spécificité de la série réside dans le fait que, pour la première fois dans l’histoire de la franchise, l’action se déroule sur Terre. Il s’agit d’un prequel dont les événements se situent plusieurs années avant le premier film, sans y être strictement liés. Hawley y a apporté sa touche personnelle en explorant également des thématiques contemporaines telles que le capitalisme et le transhumanisme. Le résultat est particulièrement convaincant : si vous aimez la série Altered Carbon (2018-2020) ou des films comme Ex Machina (2014) et Blade Runner 2049 (2017), Alien: Earth est certainement fait pour vous.
La Guerre des Rose (2025)
Après les grandes franchises de science-fiction, on passe maintenant à un autre registre : celui de la comédie, avec La Guerre des Rose (2025), qui place en tête d’affiche le duo Benedict Cumberbatch–Olivia Colman. Le film est un remake de La Guerre des Rose (1989), adapté du roman de Warren Adler, et offre à son audience une satire conjugale intelligente, portée par les performances singulières de ses comédiens britanniques. On suit le conflit d’un couple, Ivy et Theo Rose, dont la relation se détériore lorsque la carrière de Theo s’effondre tandis qu’Ivy profite pleinement d’une ascension professionnelle.
À la différence du film de 1989, qui misait davantage sur le grotesque, l’exagération et l’excès, le film de Jay Roach adopte une approche plus nuancée, construite autour de véritables enjeux professionnels et relationnels qui résonneront sans doute avec les sensibilités contemporaines du public. La Guerre des Roses version 2025 a lui aussi ses moments d’excès en matière de jalousie et de cruauté, dont il sait tirer une bonne dose d’humour. On pense notamment à Gone Girl (2014) de David Fincher ou, dans un tout autre registre, à Yorgos Lanthimos, qui avait déjà révélé le potentiel comique d’Olivia Colman dans La Favorite (2018).
Y a-t-il un flic pour sauver le monde ? (2025)
Même si son parcours en salles atteste d’un succès modéré, le nouveau film de la série Y a-t-il un flic a beaucoup occupé les médias et les réseaux sociaux durant l’été 2025, surtout en raison de la campagne marketing autour de ses deux vedettes, Liam Neeson et Pamela Anderson. L’origine de la franchise remonte à la série télévisée Police Squad ! (1982) créée par le trio humoristique ZAZ (David Zucker, Jim Abrahams et Jerry Zucker), où ils parodiaient les séries policières. Leslie Nielsen, qui incarnait le personnage du lieutenant Frank Drebin, a ensuite repris son rôle dans la trilogie de Y a-t-il un flic.
Le quatrième volet, qui est d’ailleurs un reboot, Y a-t-il un flic pour sauver le monde ? (2025), passe le relais au fils de notre cher flic hilarant : Frank Drebin Jr., campé par un Liam Neeson connu pour ses rôles typiquement endurcis et impassibles. Voir le héros de Taken (2008) se moquer de lui-même et de tous les clichés du genre – un peu comme Daniel Craig dans À couteaux tirés (2019) – est un vrai plaisir. Le cinéaste Akiva Schaffer reste assez fidèle à l’esprit comique des années 80, avec des gags décalés et potaches, tout en inscrivant le récit dans un discours résolument contemporain. Si Y a-t-il un flic pour sauver le monde ? paraît neuf tout en procurant une certaine nostalgie, c’est aussi parce que la comédie demeure un genre moins exploité par la logique des remakes et reboots hollywoodiens. On verra si cela change dans un futur proche.















































































































