« Eh oui, c'est comme ça que ça commence… Et ensuite il y a les cris et les sauve qui peut ! » Dans la jungle d’un monde perdu, Ian Malcolm, le génial et rock’n’roll théoricien du chaos campé par Jeff Goldblum, résume avec son cynisme légendaire le ton de la saga Jurassic Park / Jurassic World.
Un monde où l’émerveillement laisse invariablement la place à la terreur alors que les dinosaures s’offrent un festin mémorable à chaque nouveau chapitre. Quel que soit le menu (visiteurs, ouvriers, mercenaires, simples passants…), les sauriens se régalent. Et nous avec.
Vous voulez (re)partir à l’aventure sur Isla Nublar et Isla Sorna ? JustWatch vous propose le guide des morts les plus iconiques et incontournables des films de la franchise, de Jurassic Park (1993) à Jurassic World: Renaissance (2025). Avec en prime, le détail des plateformes de streaming où (re)voir ces longs métrages (et ces trépas douloureux).
Jurassic Park (1993)
Tout commence en 1993. En donnant vie aux dinosaures imaginés par le romancier Michael Crichton, Steven Spielberg révolutionne le cinéma d’aventures… et le cinéma tout court. Il y a dans cette première visite du parc un souffle unique qui a traversé les générations : je me souviens encore du choc de ma première séance en octobre 1993, qui a confirmé ma vocation, et j’ai depuis revu Jurassic Park un nombre incalculable de fois, comme une madeleine de Proust cinématographique. Il y a aussi des effets visuels qui n’ont pas pris une ride plus de trente ans après (l’équilibre entre CGI et animatroniques est un petit miracle en soi), une partition sublime signée John Williams, un réel sens du merveilleux (la découverte du brachiosaure, les soins au tricératops malade) et une tension de tous les instants (l’enclos du T-Rex, les raptors dans la cuisine). Et il y a des morts très marquantes, aussi !
La cage de la mort
« Elle fut la première » annonçait en 1975 l’iconique affiche des Dents de la Mer. Jophery, lui, fut le premier de la saga Jurassic Park. Chargé d’ouvrir la porte de la cage du vélociraptor dans la scène d’ouverture, l’employé du parc est projeté au sol alors que le dinosaure fonce contre la paroi : il est alors happé à l’intérieur, malgré les efforts du garde-chasse pour le retenir. Et même si Spielberg suggère plus qu’il ne montre, ses cris témoignent de la violence d’une attaque qui donne tout de suite le ton : la visite du parc s’annonce périlleuse. On aime particulièrement les plans furtifs sur l'œil noir et déterminé du raptor. Un œil sadique, intelligent et inarrêtable, comme celui du grand requin blanc dix-huit ans plus tôt, qui annonce ce prédateur -inconnu du grand public jusque-là, rappelons-le- comme LA menace du film.
L’embuscade de la mort
« Petite futée… » Ce seront les derniers mots de Robert Muldoon (Bob Peck), le garde-chasse de Jurassic Park, pourtant rompu à la traque et la gestion des grands prédateurs. Malgré son expérience au Kenya, déjà au service de John Hammond, il n’aura pas su anticiper l’attaque coordonnée des vélociraptors : croyant pouvoir éliminer facilement l’un d’eux, installé dans la végétation d’Isla Nublar, Muldoon réalise bien trop tard que le dinosaure n’était qu’un appât destiné à détourner son attention. Alors qu’il s’apprête à faire feu, un congénère surgit brusquement et lui saute dessus. Une attaque par un raptor qu’il n’avait pas encore vu : exactement comme l’avait prédit Alan Grant au début du film. La scène fait écho à l’ouverture du long métrage, en plus graphique car malgré les feuillages qui masquent un peu la morsure, on voit clairement la créature sauter directement (et sauvagement) à la tête. Le plan qui suit, un autre raptor qui semble contempler de loin le massacre, est glaçant…
La voiture de la mort
Si Jurassic Park a convoqué des espèces incontournables du bestiaire préhistorique (tyrannosaure, tricératops et brachiosaures), il a fait découvrir aux spectateurs des créatures moins connues. A l’image du dilophosaure, « petit » saurien à collerette capable de cracher un venin paralysant sur ses proies. L’informaticien Dennis Nedry (Wayne Knight) en fera les frais, alors que l’un de ces théropodes a décidé de faire de lui son repas du soir. Aveuglé par la bile visqueuse et empoisonnée du saurien, le traître du film croit trouver refuge dans sa jeep… où l’attend justement le prédateur. Ses cris hantent encore les routes d’Isla Nublar. Là encore, la mise en scène de Spielberg fait des merveilles, avec une présence de plus en pressante du dilophosaure, qui passe de mignon à terrifiant en quelques secondes. Ce qui a également marqué, c’est le cri de Nedry : on loue -à raison- la saga pour ses bruitages dinosauresques. Mais les cris des victimes, et en particulier celui-ci, proche d’un Tarzan qui aurait marché sur un clou rouillé (désolé, je n’ai pas mieux comme image !) sont souvent glaçants.
Les toilettes de la mort
C’est la mort la plus iconique de Jurassic Park : terrorisé à la vision du tyrannosaure s’échappant de son enclos, l’avocat Donald Gennaro (Martin Ferrero) trouve refuge dans le fragile cabanon des sanitaires situé aux abords du parcours de visite. Quand celui-ci s’écroule après une charge du dinosaure, on découvre notre froussard tremblant, assis sur la cuvette, sous le regard intrigué et affamé du dino. Après quelques secondes d’espoir, ce dernier ne fait qu’une bouchée du malheureux : agité telle une poupée de chiffon, le corps de l’avocat ne résiste pas à la morsure du T-Rex. Spielberg coupe juste avant que cela ne devienne trop sanglant, mais on comprendra un peu plus tard, quand Ellie et Muldoon se rendent sur les lieux de l’attaque, que l’homme a été « éparpillé façon puzzle ». De quoi définitivement marquer les spectateurs, petits et grands. Au passage, on se rappellera que le requin des Dents de la Mer était baptisé Bruce, en hommage à l’avocat de Spielberg : est-ce que voir le T-Rex dévorer ce requin d’avocat n’annoncerait pas de manière prémonitoire le plan du mosasaure dévorant le requin blanc dans le bassin de Jurassic World (2015) ?
Le Monde Perdu : Jurassic Park (1997)
Quatre ans après le triomphe de Jurassic Park (1993), Steven Spielberg revient pour une suite, là encore adaptée d’un ouvrage signé Michael Crichton. La visite du parc est ici réinventée en safari mortel, alors que Ian Malcolm (Jeff Goldblum), Sarah Harding (Julianne Moore) et leurs compagnons se rendent sur le « site B » d’Isla Sorna pour documenter la faune locale et tenter d’empêcher des mercenaires de la société InGen de capturer des dinosaures. Contrairement à son prédécesseur, Le Monde Perdu : Jurassic Park (1997) n’a plus à présenter la possibilité de ramener les créatures à la vie : il peut aller droit au but, et le fait dès sa mémorable scène d’ouverture (qui ne figure pas ici car la petite fille survit selon John Hammond). Très généreux en termes de dinos et en morts spectaculaires (le fameux adage « Bigger, Badder, Stronger » propre à toute suite), le film plonge ses protagonistes dans un univers hostile et sauvage qui n’appartient pas à l’Homme, façon Le Monde Perdu (1960), Congo (1995) King Kong (2005) et autres Skull Island (2017). Avec en bonus, un dernier tiers à San Diego qui lâche un monstre dans la ville à la Godzilla (1954). Personnellement, même s’il ne remplace par le premier opus dans mon coeur, j’aime beaucoup le film, pour ce double ton mais aussi pour le cynisme génial de Ian Malcolm.
La cascade de la mort
Une mort stupide, certes, mais spectaculaire et mémorable, qui illustre (encore une fois) le génie de la mise en scène de Spielberg. Réfugié dans une grotte derrière une cascade d’Isla Sorna pour échapper au T-Rex, le Dr. Robert Burke (Thomas F. Duffy) est hors d’atteinte mais se jette presque de lui-même entre les dents du tyrannosaure après avoir senti un serpent se glisser sous ses vêtements. On ne voit rien, certes, mais le bruit sec du craquement de ses os et le filet rougeâtre qui teinte la chute d’eau génèrent un effroi certain chez le spectateur (et chez Sarah Harding, qui détourne le regard face à ce spectacle sanglant). Le trépas est certes rapide, mais suffisamment marquant pour figurer dans cette sélection. Et pour l’anecdote, le personnage de Robert Burke est inspiré du véritable paléontologue Robert Bakker, rival de Jack Horner, consultant sur la saga et inspiration du personnage d’Alan Grant (Sam Neill).
Le vidéoclub de la mort
Nous sommes dans le dernier tiers du Monde Perdu. Lâché dans les rues de San Diego, le T-Rex fait des ravages entre un gentil chien de garde dévoré dans sa niche, une station essence explosée et un bus fracassé. Sans oublier ce passant anonyme, qui tente de trouver refuge dans un vidéoclub avant que les mâchoires du dinosaure ne se referment sur lui. Emporté par le monstre, il est mis en pièces derrière une voiture garée le long du trottoir, dans des gargouillis aussi horribles que cartoonesques. A travers quelques mouvements de gueule de son dinosaure, sans rien montrer, Spielberg arrive à suggérer une mort douloureuse et un prédateur qui se régale… Baptisé « Unlucky Bastard », le personnage est campé par nul autre que David Koepp, scénariste de Jurassic Park, Le Monde Perdu et Jurassic World: Renaissance. C’est lui-même qui a demandé à être mangé par un T-Rex. Requête accordée !
Le cargo de la mort
On aime bien la mort de Peter Ludlow (Arliss Howard), neveu de John Hammond et nouveau patron de InGen. Déjà parce qu’elle relève du karma. Le fiasco du safari sur Isla Sorna et la destruction de San Diego par le T-Rex sont à mettre à son crédit, rappelons-le. Et surtout parce qu’elle s’annonce douloureuse puisqu’il va payer son cynisme sans limite en servant de proie au jeune tyrannosaure. Après que le dinosaure adulte ait broyé ses jambes dans la cale du cargo, il jette Ludlow à sa progéniture pour lui enseigner l’art de la chasse. Et c’est sous les yeux attentifs de son aîné, qui le pousse avec bienveillance vers cette première proie, que le petit théropode se charge de le dévorer. Les cris de Ludlow laissent supposer que ce sera long car après tout, un tout jeune prédateur ne sait pas encore comment expédier la mise à mort…
Les hautes herbes de la mort
« Surtout, n’allez pas dans les hautes herbes !!! » Et que se passe-t-il ensuite ? Les mercenaires engagés par InGen y courent tous… notamment celui qui leur hurlait l’avertissement ! Voilà un choix assez incompréhensible de sa part, car le monsieur avait vu juste : dans les hautes herbes d’Isla Sorna, les vélociraptors sont en chasse. Et ils offrent à Steven Spielberg une nouvelle occasion de faire preuve de sa maestria visuelle. Le plan aérien d’une file indienne d’humains vers laquelle se dirigent plusieurs sillons implacables est tout simplement génial. Les mercenaires sont happés les uns après les autres, et puis c’est la panique générale. Et quand les raptors passent vraiment à l’attaque -notamment ce saut terrifiant toutes griffes dehors qui a l’air de faire très mal quand il se plante sur un pauvre malheureux-, il ne reste que des cris. Puis plus rien…
La caravane de la mort
Les fans de la saga n’ont sans doute pas retenu le nom d’Eddie Carr (Richard Schiff). Pourtant, cet expert en équipements d’expéditions a donné sa vie pour que Ian, Sarah et Nick puissent survivre. C’est en effet lui qui empêche le trio d’être emporté par la chute de la caravane sur la falaise d’Isla Sorna. Grâce au treuil de son tout-terrain, Eddie fait son possible pour faire remonter ses compagnons… même quand un couple de tyrannosaures s’attaque au véhicule. Alors qu’il appuie désespérément sur l’accélérateur, il est finalement attrapé par les terribles mâchoires pour être coupé en deux par les T-Rex en colère. Une fin sanglante et cruelle pour un héros trop souvent oublié. Et la première vraie mort graphique de la saga, car contrairement à la scène des toilettes de Jurassic Park, Spielberg montre ici le corps se faire déchirer. Une mise à mort qu’on retrouvera dans Jurassic World Fallen Kingdom (2018)... mais aussi chez les requins de Peur Bleue (1999) !
Le ruisseau de la mort
Décidément, ce deuxième film propose son lot de morts iconiques. La plus marquante est assurément celle de Dieter Stark (Peter Stormare), qui n’aurait peut-être pas dû envoyer une décharge électrique sur ce pauvre petit compsognathus à son arrivée sur l’île d’Isla Sorna. Car le karma jurassique va lui faire payer. C’est sous les assauts répétés d’une meute de compys que le chasseur chevronné finit par succomber dans le lit d’un ruisseau, seul, malgré ses appels à l’aide à ses compagnons qui ne l’entendent pas depuis les hauteurs où ils bivouaquent. A bout de force, traqué par les carnivores, Dieter pense trouver refuge derrière un tronc d’arbre, mais il y est finalement rejoint par les prédateurs. Ses hurlements et l’eau teintée de rouge ne laissent aucun doute quant à la suite des événements. Ou quand le nombre terrasse la taille. Expert dans l’art de créer de l’effroi, Spielberg utilise notamment un effet très efficace de caméra subjective (qui a fait ses preuves dans Les Dents de la Mer) pour montrer comment la meute, innombrable et implacable, fonce vers sa proie humaine. Et on sent vraiment l’impuissance du mercenaire, dépassé par cette attaque multiple et grouillante. Avec notamment ce plan marquant d’un compsognathus arrachant un bout de sa lèvre supérieure. Et ces piaillements incessants de compys qui attendent impatiemment de passer à table. On ne l’aime pas beaucoup ce Dieter, mais on compatit sincèrement.
Jurassic Park 3 (2001)
Sur Jurassic Park 3 (2001), Steven Spielberg passe la main à l’un de ses fidèles collaborateurs, Joe Johnston. A l’œuvre en coulisses sur la trilogie Star Wars originale (1977-1983), oscarisé pour les effets spéciaux des Aventuriers de l’arche perdue (1981), ce solide artisan hollywoodien passe par la suite à la mise en scène avec Chérie, j’ai rétréci les gosses (1989), Rocketeer (1991) et surtout Jumanji (1995). Autant de films qui témoignent de sa capacité à livrer du grand spectacle et des aventures immersives où les effets visuels ont toute leur place. Malheureusement, le cinéaste ne peut pas faire de miracle quand une date de sortie est fixée par le studio avant même que le scénario ne soit achevé… Et le tournage commence donc de manière précipitée, sans véritable ligne directrice, si ce n’est la volonté de livrer un récit plus condensé (1h32 à peine !) orienté survival, alors que Alan Grant (Sam Neill) est ramené malgré lui sur l’île aux dinos pour essayer d’y retrouver un enfant égaré. Mal reçu par la critique et les fans (on ne pardonnera JAMAIS la domination du spinosaure sur le T-Rex !), le film est une honnête série B qui privilégie l’aventure (avec la très réussie scène de la volière) au suspense et aux morts. Assez décevant donc, et de quoi mettre la saga en pause pour quelques années.
L’avion de la mort
Il y a un nouveau super prédateur sur Isla Sorna. Son nom : le spinosaurus aegyptiacus, un monstre au museau allongé aussi à l’aise sur terre que dans l’eau et capable de terrasser un tyrannosaure (au grand désarroi des fans, je me répète mais quand même…). Jurassic Park 3 ne fait pas durer le suspense en le gardant pour la conclusion du film façon « boss final », et on le découvre assez tôt alors que l’avion qui transporte les protagonistes s’écrase dans la jungle. Comme son partenaire Cooper (John Diehl), happé sur la piste de décollage quelques instants plus tôt par ce monstre qu’on devinait massif et féroce, Nash (Bruce A. Young) finit dans l’estomac du dinosaure après avoir été tiré du fuselage sous les yeux de ses compagnons (là encore un écho aux Dents de la Mer et à Quint glissant inéxorablement vers la gueule du grand requin blanc), jeté au sol, piétiné et décapité d’un coup de croc. C’est un peu trop rapide et pas du tout sanglant pour être vraiment terrifiant, mais au moins, le spinosaure annonce qu’il n’est pas là pour faire de la figuration.
Le piège de la mort
Depuis la mort de Robert Muldoon dans le premier film, on savait que les vélociraptors étaient des prédateurs intelligents capables d’élaborer des attaques coordonnées. On les découvre encore plus évolués dans Jurassic Park 3, alors qu’ils utilisent le pauvre Udesky (Michael Jeter) comme appât vivant, pour inciter ses compagnons à descendre des arbres où ils ont trouvé refuge afin de se porter à son secours. Avec, pour paralyser le monsieur, une griffe savamment plantée dans la colonne vertébrale… Et même si le piège échoue, hors de question pour les raptors de laisser le mercenaire en vie : d’un redoutable coup de dents et avec un bruitage horrible, l’un des dinos brise la nuque du malheureux, mettant enfin un terme à ses souffrances. On aime particulièrement le plan des pattes musclées du raptor courant vers le mercenaire pour porter planter sa griffe puissante : pas de CGI mais une animatronique plus vraie que nature qui confirme au spectateur que l’humain n’est ici qu’une proie potentielle et fragile.
Jurassic World (2015)
Il faut attendre douze ans pour retrouver le chemin d’Isla Nublar. Et quand il sort en 2015, en pleine année de blockbusters revivals (Fury Road, Terminator Genisys, Star Wars - Le Réveil de la Force), Jurassic World est un immense succès (plus de 1,6 milliards de dollars de recettes). Il faut dire que Universal a vu les choses en grand avec un parc enfin ouvert au public, le retour des créatures les plus appréciées de la trilogie originale (tyrannosaure et vélociraptors en tête), de nouveaux monstres (Indominus et mosasaure) et de nouveaux visages (Chris Pratt, Bryce Dallas Howard, Vincent D'Onofrio, Omar Sy…). A la fois film-hommage à Jurassic Park (le film déborde de fan-service) et film-catastrophe sur un parc d’attractions qui échappe au contrôle de ses créateurs (qui fait écho au Mondwest réalisé en 1973 par Michael Crichton en personne), Jurassic World va toutefois diviser les spectateurs. Quand certains lui reprochent de se calquer sur son modèle sans rien apporter de nouveau, d’autres regrettent un scénario basique et des personnages sans substance. Pour ma part, je défend constamment le long métrage pour son sous-texte méta : derrière l’apparente simplicité du projet se cache une formidable critique du cinéma américain. Il faut pour cela se dire que le parc est Hollywood, et l’Indominus, nouveau monstre avec « toujours plus de dents », le dernier blockbuster à la mode. Le fameux « Plus grand, plus fort ». Ne serait-il pas, d’ailleurs, Jurassic World lui-même ? On obtient ainsi une superproduction qui se critique elle-même et qui dénonce un système qui mènera à sa propre perte (le mosasaure qui mange le requin blanc est une métaphore parlante) et à la destruction de l’industrie (d’ailleurs prophétisée par Spielberg, ici producteur). Essayez de le (re)voir sous cet angle à l’occasion ?
Le parking de la mort
Bienvenue à Jurassic World ! Le rêve de John Hammond a enfin pris vie grâce aux dollars de Simon Masrani (Irrfan Khan), aux expériences de Henry Wu (BD Wong) et à la gestion de Claire Dearing (Bryce Dallas Howard). C’était sans compter l’Indominus Rex, créature hybride et déchaînée échappée de son enclos. C’est justement en sortant des murs de sa prison de béton que le monstre va marquer les esprits, en gobant d’une seule bouchée le responsable de la sécurité (Eric Edelstein) : caché derrière le pare-choc de sa voiture, l’homme espère échapper au monstre, mais ce dernier écarte d’un coup de patte le véhicule. Un dernier regard impuissant et résigné lancé à Owen (Chris Pratt) et les mâchoires impitoyables se referment sur lui. On apprécie ce plan glaçant, qui ne montre pas encore la nouvelle bestiole dans son intégralité mais qui suggère un monstre gigantesque et surtout férocement violent (il venait de croquer un premier gardien quelques instants plus tôt).
Le labo de la mort
La trilogie Jurassic World a fait de Blue un véritable personnage, auquel les fans se sont attachés. Mais il ne faudrait pas oublier que la femelle vélociraptor est un animal sauvage, imprévisible, dangereux et féroce. Comme ses congénères qui ont mis en pièces toute une escouade de mercenaires dans la jungle quelques minutes plus tôt, avec des plans en vision nocturne façon found footage du plus bel effet. Vic Hoskins (Vincent D'Onofrio) peut aussi en témoigner, lui qui rêvait de faire de Blue et ses congénères Charlie, Delta et Echo des armes biologiques. Le raptor lui rappelle à sa façon l’importance du bien-être animal dans le laboratoire, en attrapant son bras tendu (n’est pas Owen qui veut !) à pleines dents avant de le massacrer à coups de griffes. Mérité ? Sans doute. Sanglant ? Assurément. Et encore une fois, malgré la violence de l’assaut, ponctuée d’une explosion d’hémoglobine sur une vitre, on ne peut que valider ce karma jurassique. Il y a une justice au pays des dinosaures.
La balise de la mort
Envoyée sur les traces de l’Indominus, l’escouade de confinement menée par Katashi Hamada (Brian Tee) se retrouve rapidement dépassée : le dinosaure a en effet réussi à arracher sa balise, trompant ainsi leur vigilance. Et son ADN, qui lui offre la capacité de se camoufler dans les feuillages environnants, finit de lui donner l’avantage : le prédateur saisit et broie le chef de mission avec sa patte aux griffes acérées, avant de le jeter au sol et de l’écraser d’un puissant coup de patte. Aucun membre de l’équipe ne lui survivra, illustrant la férocité et la puissance inarrêtable de l’Indominus. Et on aime notamment cette contre-plongée d’un soldat croqué derrière des branches, avec une pluie rouge tombant sur le feuillage vert, ou ce dernier courageux qui fonce avec son arme vers le monstre qui le ramasse et le gobe telle une pelleteuse à écailles ! Pour l’anecdote, les deux gouttes de sang qui tombent des arbres sur l’avant-bras d’Hamada et prennent chacune une direction différente sont un clin d’œil à la fameuse théorie du chaos chère à Ian Malcolm, dont il faisait l’expérience avec deux gouttes d’eau dans le tout premier Jurassic Park.
Le bassin de la mort
Zara Young (Katie McGrath) nous a quittés trop jeune. Mais elle est au centre de LA séquence emblématique de Jurassic World. En l'occurrence une panique générale qui voit une nuée de reptiles volants foncer sur le centre d'accueil du parc et ses visiteurs paniqués (même l’homme aux margaritas !). Attrapée par un ptéranodon et emportée dans les airs, l’assistante personnelle de Claire Dearing est lâchée une première fois, rattrapée au vol puis lâchée une nouvelle fois directement dans le bassin du mosasaure. Une fois dans l’eau, elle est à nouveau prise pour cible par le volatile qui tente de la récupérer avec son bec puis ses serres, jusqu’à ce que le mosasaure happe le ptéranodon et la jeune femme en ouvrant grand sa gueule. On espère sincèrement que Zara est morte noyée (ou de peur) avant de visiter les entrailles du monstre. Zach et Gray (Nick Robinson et Ty Simpkins) n’en reviennent pas, nous non plus, et cette mort est aussi marquante que celle des toilettes du film original. Et donc iconique.
Jurassic World: Fallen Kingdom (2018)
Dans Jurassic World: Fallen Kingdom (2018), il y a évidemment le cahier des charges de la saga, décliné à travers une approche « deux films en un ». Comme dans Le Monde Perdu qui se déclinait entre jungle et ville vingt ans plus tôt. Dans la première partie, Juan Antonio Bayona livre un spectacle finalement assez classique pour la saga (un parc en ruines et des dinosaures), agrémenté d’une impressionnante éruption volcanique (on sait que le cinéaste espagnol excelle dans la reconstitution immersive de catastrophes, en témoignent le mémorable tsunami de The Impossible en 2012 ou le crash du Cercle des Neiges en 2023). La deuxième moitié est très différente, plus proche du film de créatures voire de maison hantée avec des dinos enfermés dans un sombre manoir le temps d’une vente aux enchères et un terrifiant Indoraptor qui joue les monstres du placard face à la jeune Maisie Lockwood (Isabella Sermon). On est ici dans ce que le réalisateur sait également très bien faire (L’Orphelinat, 2007 ; Quelques minutes après minuit, 2016), avec une ambiance gothique réussie et une réelle beauté formelle. Il y a presque un peu de Resident Evil (2002) et de Relic (1997) dans ce nouvel opus, qui sert hélas essentiellement d’épisode de transition pour ramener les dinosaures sur le continent. Et il y a, aussi, quelques séquences mortelles notables.
La charge de la mort
Les exploiteurs cyniques de la saga Jurassic Park / Jurassic World ne retiennent-ils pas les leçons de leurs prédécesseurs ? On l’a vu, le karma jurassique frappe toujours les méchants. Eli Mills (Rafe Spall) en fait lui aussi les frais alors que les dinosaures prisonniers du Manoir Lockwood mènent une charge massive pour échapper au gaz empoisonné qui menace de les éradiquer. L’homme trouve refuge sous sa voiture de luxe, qui est piétinée par les herbivores qui fuient la propriété. Et on s’imagine le voir salement écrasé par les animaux, dans un juste retour des choses. Mais ce serait trop rapide. Une fois les dinosaures partis, Mills s’extrait tant bien que mal de l’épave et pense être hors de danger avant d’être happé par un T-Rex qui le secoue et le croque avec puissance façon « toilettes de la mort ». Mais avant de pouvoir avaler sa proie, un carnotaure se joint au festin pour tenter de subtiliser une jambe, qui finira comme encas pour quelques compsognathus. Mills ne s’était pas fait que des amis dans cette aventure… Et nous, on assiste à une séquence à la violence cartoonesque.
Les dents de la mort
Ce n’est jamais une bonne idée de pénétrer dans la cage d’un dinosaure. Quand bien même celui-ci serait anesthésié. Le chasseur Ken Wheatley (Ted Levine) en fait les frais en essayant de récupérer un trophée pour sa collection : une dent d’Indoraptor, espèce hybride croisant la férocité de l’Indominus avec la taille et la vélocité d’un vélociraptor. Feignant l’inconscience, l’animal attire l’homme derrière les barreaux, se laisse approcher, ouvre un œil où se lisent intelligence et sadisme puis passe à l’attaque : il arrache son bras droit, qu’il avale sous ses yeux, avant de contempler cette proie impuissante qu’il prend visiblement plaisir à mettre à mort. Quelques secondes plus tard, le dinosaure poursuit son massacre dans l'ascenseur du Manoir Lockwood où on trouvé refuge Gunnar Eversol (Toby Jones) et ses invités. Entre la cage et l'ascenseur, la scène joue avec efficacité sur deux peurs fondamentales : être pris au piège et être dévoré vivant.
L’hélicoptère de la mort
Dans la saga Jurassic, il ne faut jamais crier victoire trop vite. A l’image de Jack (Robert Emms), un mercenaire envoyé avec son équipe dans les ruines de Jurassic World pour mettre la main sur le squelette et l’ADN de l’Indominus Rex. Sous une pluie battante, il se retrouve poursuivi par le T-Rex et parvient à agripper l’échelle de l’hélicoptère. Une échelle que le dinosaure réussit lui aussi à attraper avec sa gueule, menaçant de faire s’écraser l’appareil. Les occupants décident alors de sacrifier Jack en détachant le cordage, mais l’échelle finit par échapper au tyrannosaure. Alors qu’il hurle sa joie d’avoir survécu, l’homme est happé par le mosasaure, qui s’extrait de son bassin d’un bond surpuissant. Comme Zara dans Jurassic World, on alterne entre effroi, soulagement et choc. Ces 5 minutes iconiques et sous tension donnent le ton plus sombre de cette suite, et seront revisitées à travers les yeux de Darius et ses compagnons dans la série animée La Colo du Crétacé.
Jurassic World : Le Monde d’après (2022)
Trop de fan-service tue-t-il le fan-service ? C’est ce sujet digne du bac philo qu’il faudrait proposer aux producteurs de Jurassic World : Le Monde d’après (2022). Car sur le papier, il y a dans ce sixième film TOUT pour plaire aux aficionados de la saga : la fusion entre les deux trilogies, et la rencontre tant attendue entre Owen et Claire d’un côté et Alan, Ellie et Ian de l’autre. Et plein de dinosaures. Dont l’impressionnant giganotosaure et le griffu therizinosaure. Pourtant, c’est l’épisode le moins apprécié par les spectateurs… La faute, sans doute, à un trop plein. De fan-service, donc. Mais aussi de personnages, d’intrigues (un complot mondial, des sauterelles génétiquement modifiées, un marché noir de dinosaures, un nouveau sanctuaire…) et de lieux. Le film a dès lors été perçu globalement comme un patchwork certes spectaculaire (on est parfois à deux doigts de Fast & Furious), mais confus, artificiel et désincarné et qui passe un peu à côté de son sujet : un monde où humains et dinos cohabitent. Peut-être demandait-on finalement trop à ce film, qu’il faut voir pour ce qu’il est : un divertissement (trop) généreux pour les fans de sauriens. Comme mon fiston, qui en a fait son film préféré de la franchise. Les goûts et les couleurs…
Le marché de la mort
On l’a vu, comme tant d’autres avant lui, Rainn Delacourt (Scott Haze) succombe au karma jurassique. Car comme la vie, le châtiment trouve lui aussi toujours un chemin. Pour le braconnier, adversaire d’Owen dans Le Monde d’après, son douloureux trépas a pour cadre un marché noir aux dinosaures situé à Malte, grâce aux efforts coordonnés de trois dinosaures (et d’Owen). Les bras mordus et maintenus respectivement par un lystrosaure et un carnotaure, Delacourt voit son interrogatoire interrompu par un jeune baryonyx affamé qui s’attaque à la seule partie accessible de ce déjeuner gratuit : la tête. Bon appétit ! Même si le monsieur mérite ce qu’il lui arrive, on frémit quand même à l’idée de se faire attaquer à la tête et au visage sans pouvoir se défendre. Plus que la morsure, c’est l’impuissance qui est terrifiante, non ?
Le tunnel de la mort
A l’instar d’Alan Grant, Ellie Sattler et Ian Malcolm, un autre personnage du film original fait son grand retour dans Le Monde d’après : Lewis Dodgson (Campbell Scott), le scientifique qui avait chargé Dennis Nedry de voler des embryons dans le tout premier film. Désormais patron tout-puissant de Biosyn, il poursuit sa conquête du monde en manipulant l’ADN des dinosaures et des insectes (les sauterelles géantes, c’est son œuvre). Aussi, on n’est donc pas tellement triste quand il est pris en chasse par des dilophosaures dans les tunnels de son sanctuaire des Dolomites. Comme Nedry avant lui, c’est seul, dans un véhicule qu’il pensait sûr et le visage recouvert de venin paralysant qu’il poussera son dernier hurlement. La boucle est bouclée, et même si le cri est moins marquant que dans le film original, la scène en elle-même est réussie.
Jurassic World: Renaissance (2025)
Nouvelle île, nouveaux enjeux, nouveaux dinosaures, nouveaux personnages mais scénariste original (David Koepp, déjà à l'œuvre sur Jurassic Park et Le Monde Perdu) : Jurassic World: Renaissance (2025) mise sur la réinvention dans la continuité pour poursuivre la saga. Et on peut dire que le cahier des charges est respecté avec un bestiaire généreux (dont des créatures mutantes assez hideuses) et des séquences spectaculaires (le tyrannosaure poursuivant le canot pneumatique dans la rivière) ou poétiques (la parade nuptiale des titanosaures) sur lesquelles excelle le réalisateur Gareth Edwards (Godzilla, Rogue One, The Creator). En fait, le cinéaste semble proposer ici un remake gonflé aux dollars de son Monsters, qui le révéla en 2010. Avec la même beauté plastique, la même aventure en pleine jungle… mais des personnages assez peu inspirants, malgré la présence au générique de comédiens solides comme Scarlett Johansson, Mahershala Ali et Jonathan Bailey. C’est clairement ce qui pourra décevoir dans ce septième chapitre, car sans cœur émotionnel, ça reste un spectacle certes époustouflant mais un peu désincarné. Et qui commence, peut-être, à tourner un peu en rond. Mais que les fans d’aventures se rassurent : entre mer, plage, jungle, plaine, falaise et labos abandonnés, ils seront servis en décors exotiques et en dinosaures. Et en morts, aussi.
La plage de la mort
Dans une aventure Jurassic, il ne faut jamais relâcher la garde. Même quand on a survécu à une chasse mortelle menée par le mosasaure et plusieurs spinosaures dans les eaux équatoriales. Bobby Atwater (Ed Skrein) a servi d’amuse-gueule sur le bateau, c’est maintenant au tour de sa sœur d’armes Nina (Philippine Velge) d’y passer. Arrivée vivante et entière sur la plage, la mercenaire pensait avoir déjoué la mort : c’était sans compter un spino très bien camouflé, qui se glisse discrètement derrière la malheureuse alors qu’elle tente de pousser du matériel vers le sable. L’attaque est rapide, et alors qu’elle tente de s’accrocher au filet qui retient les caisses, elle finit par être arrachée et traînée dans l’eau par le saurien sous le regard impuissant de ses compagnons. On apprécie ici la montée en tension de la scène, qui montre la mort s’approcher sans un bruit jusqu'à une explosion d’eau et de sable (et de sang ?). On espère juste que la malheureuse s’est noyée très vite, mais on en doute…
Le mutant de la mort
Vous l’aurez compris à la lecture de cette liste : le capitalisme cynique ne paye pas et ne paiera jamais dans la saga. Que ce soit dans la cale du cargo du Monde Perdu, dans la cour du manoir de Fallen Kingdom ou dans les tunnels du Monde d’après, les financiers sans scrupules finissent toujours entre les mâchoires des dinosaures. Martin Krebs (Rupert Friend) n’échappe pas à la règle dans Jurassic World: Renaissance, lui qui a manipulé tous les personnages depuis le début, en tentant même de se débarrasser de Teresa (Luna Blaise) sur le bateau avant d’abandonner Scarlett Johansson à un féroce mutadon (hybride entre ptéranodon et vélociraptor). Et c’est au redoutable D-Rex, hybride mutant libéré de son confinement au début du film, qu’il sert de dîner croquant. La scène ne manquera d’ailleurs pas de rappeler aux fans du Retour du Jedi (1983) la manière dont un garde de Jabba se fit croquer par le Rancor dans la fosse de son palais sur Tatooine. La séquence est toutefois un peu trop rapide et pas assez sanglante pour être la plus marquante du film, mais on appréciera qu’elle s’intègre au motif récurrent du « bras coupé » qu’on retrouve chez Star Wars et Marvel.
La falaise de la mort
Comme pour Nina, cette mort est terrible et injuste car elle touche un personnage sympathique (et francophone !), qui ne demandait qu’à aller au bout de sa mission. On parle ici de LeClerc (Bechir Sylvain), le mécano du bateau de Duncan Kincaid (Mahershala Ali). Fidèle, attachant et a priori increvable (le naufrage du navire en témoigne, on se demande comment il a survécu), LeClerc ne passera toutefois pas l’épreuve du quetzalcoatlus : alors qu’il tente de remonter une falaise, poursuivi par le ptérosaure de la taille d’un F-16, l’homme est finalement broyé et englouti par l’immense bec du volatile, qui s’y reprend à plusieurs reprises pour avaler cette proie humaine d’une traite. Pour le coup, même sans hémoglobine, on frémit devant ce spectacle funeste et douloureux qui rappelle Anaconda (1997). LeClerc ne méritait pas ça.
La barre chocolatée de la mort
Au début du film, dans un prologue daté en 2008, on découvre une nouvelle île qui n’avait jamais été évoquée : Saint-Hubert, située au large de la Guyane Française. C’est là que la société InGen développe ses dinosaures, et notamment des hybrides rappelant les grandes heures du monstrueux labo de Alien : la résurrection (1997). Évidemment, un incident va venir perturber cette organisation bien huilée, et l’un des scientifiques se retrouve piégé derrière la vitre qui retient le Distortus rex (D-Rex) sous les yeux de ses collègues terrifiés. On ne voit pas encore la créature dans son intégralité, mais on devine qu’elle est moche (il faut dire ce qui est), agressive et capable de se servir de ses pattes antérieures pour attraper ses proies. Baignée dans un rouge apocalyptique, la séquence rappelle les teintes et l’ambiance de Godzilla (2014), déjà signé Gareth Edwards, mais aussi la mort de Juliette Binoche, piégée derrière une porte condamnée face à un Bryan Cranston impuissant. On notera aussi un clin d'œil amusant à l’effet papillon : un simple emballage de barre chocolatée égaré dans un système de porte peut libérer le plus effrayant des monstres !