« Si tu avais le projet de conquérir le monde, tu ferais sauter la Maison Blanche façon Independence Day ou tu préférerais te glisser par la porte de service ? » demande avec gravité l’un des héros de The Faculty (1998). Car certains envahisseurs extraterrestres l’ont bien compris : pour conquérir la Terre, il est souvent préférable de faire preuve de discrétion.
Ainsi, pour des invasions « façon » Independence Day (1996), Mars Attacks! (1996), La Guerre des Mondes (2005), World Invasion : Battle Los Angeles (2011), Battleship (2012), Oblivion (2013), Pacific Rim (2013) ou Edge of Tomorrow (2014), certes spectaculaires mais qui finissent généralement par une victoire de l’Humanité, d’autres factions aliens ont œuvré de manière plus dissimulée. Avec une efficacité assez redoutable.
Oui, ils sont déjà parmi nous… Aussi j’ai décidé de mener la résistance, en vous dévoilant quelques exemples marquants de ces incursions silencieuses dans le cinéma et les séries. La vérité n’est pas ailleurs, elle est ici, sur JustWatch !
Pluribus (2025-)
Pluribus (2025-), c’est LA série dont tout le monde parle en cette fin d’année. Presque autant que le final de Stranger Things du moins. Il faut dire que la nouvelle proposition de Vince Gilligan, génial créateur de Breaking Bad et Better Call Saul, est aussi déroutante que fascinante. Le premier épisode, énigmatique, montre comment une entité contamine l’Humanité et prend le contrôle de la planète de manière extrêmement rapide et pacifique, réunissant la totalité des Terriens dans une conscience collective apaisée, bienveillante et solidaire. Ou presque, puisqu’une autrice frustrée d’Albuquerque (formidable Rhea Seehorn) résiste au virus et va devoir apprendre à appréhender cette nouvelle vie, seule face à la multitude.
Au-delà de cette invasion / contamination ultra-efficace qui fait, je l'avoue, un peu froid dans le dos tout en générant des situations tragi-comiques savoureuses, la série interroge sur les limites du libre-arbitre individuel quand il dessert l’ensemble d’une civilisation et plus largement d’un écosystème. Ou quand le fameux syndrome « Thanos n’a pas tout à fait tort quand on y pense » refait surface. J’aime beaucoup ce type de questionnement. Et j’aime, aussi, qu’on ne sache JAMAIS où la série nous emmène. Dans le genre normalement balisé de l’invasion alien, on est ici constamment surpris. En bien ou en mal, peu importe : ça fait un bien fou d’ignorer où l’on va avec cette histoire, semaine après semaine, sur Apple TV+.
X-Files - Aux frontières du réel (1993-2018)
« La vérité est ailleurs ». Si vous avez grandi dans les années 90, la diffusion de X-Files - Aux frontières du réel (1993-2018) était le phénomène dont on ne ratait aucun épisode sur M6. C’était bien avant le streaming et les DVD, et je faisais personnellement des cargaisons d’achats de VHS pour enregistrer scrupuleusement chaque épisode (évidemment diffusés dans le désordre par la chaîne française) afin de compléter l’intégrale, de revoir quelques pépites (Tooms ou les lucioles carnivores de la forêt ont hanté mes nuits) et surtout de mieux appréhender la mythologie développée par Chris Carter.
Car au-delà des enquêtes menées par les agents du FBI Fox Mulder (David Duchovny) et Dana Scully (Gillian Anderson) en mode « procédural », la série dessinait une conspiration extraterrestre sur fond d’huile noire, d’enlèvements non élucidés, de syndicat mystérieux et de manipulations par l'énigmatique Homme à la cigarette (William B. Davis). Et puis au bout d’un moment, je dois l'avouer, j’ai lâché. Parce que ça n’avançait pas, parce que ça se répétait, parce que c’était inutilement compliqué, parce que c’était long (11 saisons et deux films !). Mais si vous arrivez à aller au bout de ce qui reste un programme majeur des 90s sur Disney+, vous découvrirez un plan alien méthodique et implacable, dissimulé aux yeux de la population (contrairement à des invasions visibles comme V, les visiteurs ou Colony).
The Faculty (1998)
J’adore ce film ! The Faculty (1998) fait partie des pépites nineties que je revois toujours avec grand plaisir. Les personnages sont tous attachants et campés par la fine fleur de la génération montante d’Hollywood à l’époque (Josh Hartnett, Elijah Wood, Jordana Brewster, Clea DuVall…). Les personnages secondaires convoquent un casting très cool (Salma Hayek, Robert Patrick, Piper Laurie, Famke Janssen, Bebe Neuwirth, Daniel von Bargen, Christopher McDonald et… Jon Stewart !). Le long métrage s’amuse des stéréotypes ado (le cancre génial, le quarterback, l’intello, le souffre-douleur…). Et puis raconter une invasion venue d’ailleurs par le prisme de lycéens fonctionne à merveille.
Le film de Robert Rodriguez prend donc place dans les couloirs, classes et salle des professeurs de la Herrington High School, où les comportements des adultes puis des élèves deviennent de plus en plus étranges et inquiétants. Un groupe « d’amis » (en réalité, ils/elles se détestent tous) vont tenter de comprendre les rouages d’une machination qui pourrait dissimuler une contamination extraterrestre. Résolument pop (le film convoque de nombreuses « réf » SF), The Faculty repose aussi sur un scénario « whodunit » efficace pour tenter de deviner qui est le/la patient.e zéro et reine-mère des aliens. Pas étonnant quand on sait qu’il est signé Kevin Williamson, l’auteur de Scream (1996) et Souviens-toi l’été dernier (1997).
BrainDead (2016)
Commençons par une recommandation majeure : il ne faut pas confondre cette série avec le Brain Dead (1992) de Peter Jackson, film de zombies qui repousse les limites du gore. BrainDead -en un mot, donc- est un petit bijou de série malheureusement passé inaperçu en 2016, au point d’être annulé après une saison et treize épisodes. Le concept imaginé par Michelle et Robert King (The Good Wife, The Good Fight, Evil) est pourtant brillant, puisqu'il transpose l’idée d’une invasion extraterrestre au sein du milieu politique américain (un peu comme Les Maîtres du Monde en 1994). Avec une approche décalée qui en fait un OVNI (c’est le cas de le dire) parmi les séries de grands networks US.
Dans BrainDead, on plonge dans les arcanes de l’administration, à travers les yeux de Laurel Healy (Mary Elizabeth Winstead), engagée au sein du cabinet de son frère sénateur (Danny Pino). Sur place, elle va réaliser que des parasites mangeurs de cerveaux venus d’ailleurs ont contaminé certains membres du Congrès et les pilotent à leur guise (un écho lointain aux fourmis de Phase IV , 1974). Entre paranoïa, science-fiction et réflexion sur la polarisation politique et le chaos institutionnel, la série réserve aussi des moments résolument décalés, comme des explosions sanglantes inattendues ou des « previously in » chantés au début de chaque épisode. Un OVNI, je vous dis !
Invasion Los Angeles (1988)
Ce n’est peut-être pas le plus connu des films de John Carpenter. Et personnellement loin d’être mon œuvre préférée du Master of Horror, dans laquelle j’ai toujours vu une série B qui aurait mérité plus de moyens et un acteur principal plus expressif. Pourtant, Invasion Los Angeles / They Live (1988) se bonifie avec le temps, avec un message politique qui trouve un écho de plus en plus révélateur dans un monde dominé par l’ultra-consommation de masse. Le long métrage met ainsi en scène une population extraterrestre dissimulée parmi nous, sur Terre, qui manipule l’Humanité à travers l’information et la publicité pour en faire des « citoyens » passifs et serviles et maintenus dans la soumission et le conformisme.
Le film, pourtant court (90mn), se développe sur un faux rythme et met un certain temps avant de démarrer réellement. Cet électrochoc survient quand le héros John Nada (Roddy Piper), allégorie des gens qui ne sont « rien », découvre la réalité du monde qui l’entoure en mettant des lunettes très spéciales, dont le filtre occulte le système de dissimulation alien : dans une réalité en noir et blanc, il constate que les journaux, les chaînes de télévision et l’affichage diffusent des messages subliminaux invitant à l’obéissance et l'asservissement, alors que des extraterrestres aux faciès squelettiques œuvrent aux postes clés (politique, police, médias…), aidés par des collaborateurs qui veulent conserver leurs privilèges dans un monde déjà perdu. A prolonger avec The Arrival (1996) qui confronte Charlie Sheen à une autre invasion discrète.
The Thing (1982)
Six ans avant Invasion Los Angeles, John Carpenter proposait The Thing (1982), remake de La Chose d'un autre monde (1951) et chef d'œuvre du cinéma fantastique. Dans une base de recherches scientifique américaine basée en Antarctique, l’irruption d’un mystérieux chien de traîneau va faire basculer l’ensemble de l’équipe dans un cauchemar éveillé : l’animal est en réalité une entité extraterrestre protéiforme qui contamine, digère et prend l’apparence de tout ce qu’elle touche, avec une parfaite capacité mimétique. Dès lors, une seule question se pose : qui est encore humain ?
Porté par la musique lancinante de Ennio Morricone, le film est un monument de paranoïa, qui amène à douter jusqu’au dernier plan de chaque personnage de cette communauté isolée, notamment le héros MacReady, incarné par Kurt Russell. Et un monument d’horreur, avec des effets certes un peu datés aujourd’hui mais toujours aussi impressionnants, comme cette cage thoracique dentée qui s’ouvre lors d’un massage cardiaque pour sectionner les deux bras du médecin (j’en ai fait des cauchemars !). A poursuivre avec The Thing (2011), un prequel qui raconte le destin de la base norvégienne d’où vient le chien. Et pourquoi pas Les Huit Salopards (2015) dans lequel Quentin Tarantino rend hommage à Carpenter.
Hidden (1987)
Voilà une autre pépite des années 80, Grand Prix du Festival d’Avoriaz en 1988 qui célébrait alors le cinéma fantastique et horrifique, révélait de grands talents et faisait découvrir des futurs films cultes. Hidden (1987) en fait assurément partie, et mêle habilement polar et science-fiction en confrontant un duo de policiers (le vétéran Michael Nouri et un jeune agent campé par Kyle MacLachlan) à une série de crimes inexplicables dans les rues de Los Angeles, qui voit d’honnêtes citoyens se transformer les uns après les autres en meurtriers.
Au sein d’une enquête a priori classique, la SF s’invite quand on réalise que chaque nouveau tueur a croisé le chemin du précédent, comme une contamination invisible (l’excellent Le Témoin du Mal avec Denzel Washington reprendra le même concept dix ans plus tard, mais avec une approche démoniaque). L’auteur des crimes est ici une créature alien peu ragoûtante (la scène de son transfert de corps me donne des frissons) qui parasite son hôte et l’utilise pour donner libre cours à ses pulsions. Sur ce thème du monstre caché parmi nous, on peut recommander le radical Under the Skin (2014) emmené par Scarlett Johansson ou le plus accessible La Mutante (1997) et son alien Natasha Henstridge en quête de reproducteurs.
Body Snatchers
C’est une histoire que le cinéma revisite depuis 70 ans, celle de L’Invasion des profanateurs de sépultures (1956) de Don Siegel, où des cosses extraterrestres dupliquent les êtres humains pour les remplacer par des copies dotées de leurs traits physiques et de leurs souvenirs, mais dénuées d’émotions et de personnalité et intégrées dans une intelligence collective globale bien décidée à conquérir notre planète. A l’origine de cette histoire glaçante aux fortes résonances politiques, intégrée parmi les dix meilleurs films SF de l’Histoire par l’American Film Institute, il y a un roman de Jack Finney, paru deux ans plus tôt, qui dénonce aussi bien le maccarthysme ambiant que l’idéologie soviétique.
De nouvelles adaptations de cette histoire voient régulièrement le jour, avec des approches différentes mais complémentaires. Si L'Invasion des profanateurs (1978) de Philip Kaufman avec Donald Sutherland mérite le détour pour son approche désespérée, Invasion (2007) d’Oliver Hirschbiegel emmené par Nicole Kidman et Daniel Craig est un peu plus oubliable. En revanche, ne passez pas à côté du Body Snatchers (1993) signé Abel Ferrara, qui m’a beaucoup marqué, notamment ces séquences où les clones détectent un humain, le pointent du doigt et hurlent à l’unisson avec un son terrifiant. La distribution, où l’on croise notamment les visages inexpressifs de Gabrielle Anwar et Meg Tilly, m’a laissé des souvenirs glaçants.















































































































