Chez Julia Ducournau, le sang coule à flot, les corps souffrent, mutent, s’ouvrent… L’esthétique prime chez cette réalisatrice unique qui maîtrise l’art des chocs visuels, essentiellement dans le body horror, sous-genre du cinéma de l’horreur auquel elle s’adonne le plus.
Entrée très vite dans la cour des grands, la réalisatrice a décroché la Palme d’or à Cannes en 2021 avec Titane, et a été sélectionnée en Compétition avec Alpha pour l’édition 2025 (sans décrocher de prix).
JustWatch vous propose un guide de ses films, classés dans l’ordre de sortie du plus ancien au plus récent, pour mieux avoir en tête la filmographie naissante mais déjà incroyablement marquante de cette spécialiste désormais incontournable du genre.
Junior (2011)
Court métrage de fin d’études, Junior (2011) annonce déjà les obsessions de la cinéaste. On y découvre Justine, adolescente garçon manqué qui voit son corps se transformer de manière étrange à l’approche de la puberté. Une mutation physique qui devient le miroir de sa métamorphose intérieure. Ce film, qui a très bien été accueilli en festivals, a agi comme un laboratoire d’idées pour Grave dont l’héroïne porte d’ailleurs le même prénom.
Tourné à la Fémis avec un ton à la fois cru et décalé, Junior impose déjà une esthétique viscérale et charnelle. Julia Ducournau y filme le corps adolescent comme un territoire de bouleversements et de contradictions. Son approche est moins fantastique qu’organique, transformant la métamorphose en métaphore de la construction de soi. Dans le même style, on pense au film d’horreur Teeth (2017) avec son héroïne au vagin denté ou encore Ginger Snaps (2010) avec cette fois la transformation d’une ado en loup-garou.
Grave (2016)
Le film Grave (2016) a révélé Julia Ducournau. Il suit Justine, étudiante vétérinaire et végétarienne, qui développe un goût inattendu pour la chair crue après un bizutage. Entre pulsions incontrôlées et conflits familiaux, Grave explore les thèmes du désir, de la construction de soi, de la sororité, de l’identité et du lien familial. La réalisatrice y traite déjà de sa fascination pour le thème de l’humanité cachée derrière l’horreur.
Présenté à la Semaine de la Critique à Cannes, le film a provoqué un véritable choc. Porté par Garance Marillier, il fait du corps un langage émotionnel à part entière. Si vous aimez les récits de métamorphose féminine et les initiations radicales, Grave s’inscrit dans la lignée de Carrie (1976) l’adaptation de Stephen King par Brian de Palma avec cette même métaphore du corps féminin comme source de peur et de pouvoir, ou du très trash The Neon Demon (2016) de Nicolas Winding Refn.
Titane (2021)
Palme d’or à Cannes en 2021 - Julia Ducournau est seulement la seconde femme à obtenir la récompense, 28 ans après Jane Campion -, Titane a choqué avec son univers mutant ultraviolent. On y suit Alexia (jouée par une actrice inconnue à l’époque, Agathe Rousselle), jeune femme au passé traumatique qui vit avec une plaque de titane dans la tête depuis un accident d’enfance. Entre pulsions de mort, métamorphose corporelle et fausse identité, Ducournau tisse une histoire étrange et violente.
Passionnée de films d’horreur et de mythologie, Julia Ducournau a eu l’idée de ce film après avoir eu un flash autour d’une créature blessée au squelette incassable. Avec Titane, la réalisatrice pousse encore plus loin son exploration du corps et de l’identité. Le film brouille les frontières entre humanité et mécanique. Radical et poétique à la fois, il s’inscrit dans la lignée d’œuvres transgressives comme Crash (1996) de David Cronenberg qui mêle accidents de voiture et plaisir sexuel, Under the Skin (2013) de Jonathan Glazer qui fait de Scarlette Johansson une extraterrestre chasseuse d’hommes, ou encore Possession (1981) d’Andrzej Zulawski.
Alpha (2025)
Troisième long métrage de la réalisatrice présenté à Cannes, où il n’a pas reçu de prix, Alpha (2025) est le nom d’une ado de 13 ans qui vit au Havre dans les années 1980 avec sa mère, médecin dans un service hospitalier traitant des malades atteints d’un virus mystérieux. Évitée par ses camarades en raison de rumeurs sur une nouvelle maladie, Alpha cherche à s’intégrer. Dans ce film sur une épidémie fictive, Julia Ducournau évoque clairement celle du Sida. Si le body horror est moins présent que dans ses deux opus précédents, la réalisatrice filme quand même la mutation des corps dans le contexte de l’adolescence et de la maladie, avec un solide casting où se croisent Mélissa Boros, Tahar Rahim, Golshifteh Farahani et Emma Mackey.
Plus intime et mélancolique que les précédents films, Alpha explore la vulnérabilité des corps et la peur du contact à travers le regard d’une enfant. Visuellement plus sobre, le film marque une évolution vers un cinéma davantage porté sur l’émotion, sans renoncer à sa dimension organique et sensorielle. Sa poésie trouble n’est pas sans rappeler des drames adolescents comme Virgin Suicides (1999) de Sofia Coppola ou It Follows (2014) de David Robert Mitchell.











































































































