Le Predator occupe une place de choix dans le bestiaire fantastique. Et dans mon panthéon personnel des monstres de cinéma. Il faut dire que le chasseur extraterrestre, qui mène ses safaris humains (et aliens / xénomorphes) depuis près de quarante ans, a de solides arguments pour revendiquer une place de choix au sein de la pop culture.
Avec sa carrure massive, son armement high-tech (ah, ce canon-laser rotatif sur l’épaule…), sa vision thermique, son camouflage proche de l'invisibilité et sa « gueule de porte-bonheur » bardée de mandibules, le Yautja (l’espèce à laquelle appartient le personnage) est devenu une icône de la science-fiction. Accompagné de quelques anecdotes savoureuses.
Décliné en films, en animation, en jeu vidéo, en comic-books et autres produits dérivés collectors, le Predator a développé une mythologie riche et un code d’honneur très précis, qui fait de lui un incontournable de tous les classements de créatures majeures. Mais il ne faudrait pas oublier les longs métrages qui racontent ses aventures sanglantes, certains oubliables voire ratés, mais d’autres (très) réussis.
Suivez-moi dans la jungle de JustWatch pour revisiter la saga, dans l’ordre de sortie des longs métrages !
Predator (1987)
« S’il peut saigner, on peut le tuer ». Assurément l’une des plus grandes répliques d’Arnold Schwarzenegger, dont la carrière musclée est pourtant riche en punchlines mémorables. Si celle-ci a tant marqué, c’est parce qu’elle intervient dans un film majeur, jamais considéré -selon moi- à sa juste valeur. Car Predator (1987) est à mes yeux un monument du cinéma d’action. Le pitch est presque inepte et aurait pu accoucher d’un nanar honteux : un peloton de mercenaires surentraînés, envoyés dans la jungle sud-américaine pour une mission d’exfiltration, est traqué par une créature mystérieuse qui fait des trophées de leurs corps.
Le réalisateur John McTiernan (qui enchaînera avec Piège de Cristal, 1988) en fait tout autre chose : une chasse à l’homme spectaculaire et impitoyable, dans la moiteur de l’enfer vert, qui va amener ces guerriers ultimes à se battre pour leur survie. Comme le requin des Dents de la Mer, le chasseur n’apparaît que par touches discrètes (une silhouette dans les arbres, une tâche de sang fluorescente, une main griffue) et via sa vision thermique, avant de révéler sa force brute dans un face à face bestial et primal face à Schwarzie. Et au-delà de la créature, dont on saisit les motivations et la « philosophie » de manière implicite, j’adore les soldats qui composent l’unité de Dutch Schaefer : en un coup d'œil, on comprend qui est qui. Un art de la caractérisation de personnages, qui s’est malheureusement perdue depuis.
Predator 2 (1990)
Trois ans après le succès du premier film, un nouveau safari est organisé. Sans Arnold Schwarzenegger toutefois, qui décline pour des raisons d’emplois du temps (ou de cachet ?). Ni le réalisateur John McTiernan, engagé sur À la poursuite d'Octobre Rouge la même année. Cela n’empêche pas Predator 2 (1990) de proposer un spectacle réussi. J’ai personnellement une vraie affection pour ce film mal considéré lui aussi, dont je pourrais parler pendant des heures… mais je vais m’en tenir à quelques lignes, rassurez-vous !
Déjà, cette suite ne tombe pas dans le piège de la redite. On aurait pu craindre une nouvelle immersion forestière : le plan d’ouverture prend le spectateur à contrepied et part des arbres pour dévoiler un nouveau terrain de chasse, Los Angeles. Une jungle urbaine gangrénée par la violence des gangs où le Predator va trouver des proies de choix. Ensuite, le musculeux Schwarzie est remplacé par un Danny Glover plus vulnérable, et donc tout aussi intéressant à suivre. Enfin, on explore plus en profondeur la mythologie Yautja, notamment dans un final mémorable qui ouvre un vaste univers pour la créature. Et puis, c’est un film où il fait (très) chaud : rarement la canicule aura été aussi bien retranscrite à l’écran.
Alien vs. Predator (2004)
La présence d’un crâne de xénomorphe sur le mur des trophées à la fin de Predator 2 a enflammé l’imagination des fans. Mais ils devront patienter quatorze ans pour voir les deux créatures s’affronter à l’écran, et se contenter des comic-books Dark Horse et de plusieurs jeux vidéo. Entre-temps, le projet de crossover connaît plusieurs faux départs, en raison notamment des blocages des producteurs de la saga Alien et de Sigourney « Ripley » Weaver qui juge l’idée horrible. Et c’est finalement en 2004, après que Alien la résurrection (1997) ait mis la franchise en pause, que Alien vs. Predator voit le jour. Direction l’Antarctique, sous la direction de Paul W.S. Anderson (Resident Evil, 2002), pour confronter un groupe de scientifiques à l’exploration d’une mystérieuse pyramide sous la glace. Ce qu’ils ignorent, c’est que c’est un terrain de chasse où un trio de jeunes Predators est envoyé dans le cadre d’un rite initiatique pour affronter la proie ultime : le xénomorphe. Et que ce sont nos chers humains qui doivent servir d’hôtes à l’incubation des bestioles…
Rejeté par les fans, le film n’est pourtant pas totalement raté. Déjà, c’est plus rigolo qu’un Prometheus (2012) qui se prend très au sérieux. Et puis il y a quelques corps à corps vraiment sympa entre Predators et Aliens, la mythologie Yautja y est un peu plus creusée, et on découvre en partie les origines de la compagnie Weyland-Yutani, la légendaire corporation au cœur de la franchise Alien. Lance Henriksen, qui jouait Bishop dans Aliens, le retour (1986), sert ici de lien entre les univers dans le rôle de Charles Weyland : il devient au passage le deuxième acteur de l’histoire à affronter un Terminator, un Alien et un Predator après Bill Paxton, à l’affiche de Predator 2.
Aliens vs. Predator : Requiem (2007)
Plus gros succès de la saga à l’époque (177 millions de dollars den recettes mondiales), le crossover donne inévitablement lieu à une suite, qui s’inscrit dans la continuité narrative du final du précédent opus (SPOILER ALERT : le corps d’un Predator, contaminé par un facehugger Alien, était ramené à bord du vaisseau Yautja pour donner naissance à un… Predalien). On suit donc un chasseur envoyé sur Terre pour éliminer cet hybride indésirable et faire le ménage.
On ne va pas se mentir, Aliens vs. Predator : Requiem (2007) n’est pas mémorable. C’est même assez raté. Mais il y a des séquences étonnantes pour un film de studio, qui en font un vrai plaisir coupable -pour moi en tout cas-, comme cette violence totalement décomplexée vis à vis de certains personnages, notamment quand le Predalien débarque dans une maternité pour y implanter sa future progéniture ! Très (trop) sombre, le long métrage ne laisse pas voir grand chose et ressemble au final plus à un FPS brouillon qu’à un film, avec pour seul objectif de survivre à cette nuit d’invasion. Pas indispensable, donc, mais à voir si on veut apercevoir le camp Yutani (représenté par Françoise Yip à la toute fin du long métrage) qui reviendra dans la série Alien : Earth (202).
Predators (2010)
Dès son arrivée à Hollywood au milieu des années 90 avec Desperado (1995), Robert Rodriguez travaille sur le scénario d’un Predator 3 qui verrait notamment revenir Arnold Schwarzenegger. Jugé trop ambitieux, le film est relégué aux étagères de la Fox, avant de revenir sur le haut de la pile suite aux bons résultats enregistrés au box-office par les deux volets de Alien vs. Predator. C’est ainsi que Predators (2010) voit le jour, sans Schwarzie alors Gouverneur de Californie, avec Robert Rodriguez à la production et Nimród Antal (Kontroll, Motel, Blindés) derrière la caméra.
Le pitch est intrigant. Différents soldats, mercenaires et criminels sont parachutés dans une jungle inconnue et pris en chasse : c’est en faisant équipe, menés par un Adrien Brody plutôt crédible en bête de guerre, qu’ils pourront peut-être survivre aux chasseurs lancés à leur trousses. Sur le papier, pourquoi pas. A l’écran, c’est moins convaincant. Je suis sans doute trop attaché au film original, mais cette idée de réserve intergalactique où les Yautja organisent leurs safaris (ambiance Les Chasses du comte Zaroff et The Hunt) me laisse de marbre. Tout comme l’intégration de différents clans Yautjas, le Predator original étant alors « victimisé » par un cousin bien plus balèze. Il méritait mieux. Et puis il y a cette scène (très) gênante avec Laurence Fishburne qui parle tout seul… Restent tout de même quelques séquences sympathiques, notamment un face à face entre Predator et samouraï dans les hautes herbes, et un arrachage de colonne vertébrale (évidemment sans anesthésie) du plus bel effet.
The Predator (2018)
Quand le projet The Predator (2018) est annoncé, les fans se réjouissent. Et moi avec. Non seulement le film reviendra sur Terre et mettra la créature au centre du récit, mais, surtout, le long métrage est confié à Shane Black, scénariste de L’Arme Fatale (1987-1998) revenu en force avec Kiss Kiss Bang Bang (2005) et The Nice Guys (2016)... et à l’affiche du Predator original ! Ajoutez à cela un casting très hype (Boyd Holbrook, Trevante Rhodes, Keegan-Michael Key, Sterling K. Brown, Thomas Jane, Alfie Allen, Olivia Munn, Yvonne Strahovski et Jacob Tremblay) et on se dit que la saga aura enfin le renouveau qu’elle mérite.
Là encore, la déception est immense. Le casting, si prometteur, est mal utilisé et les moments de dialogues « shaneblackiens » sont trop rares. Le scénario est improbable, et creuse le concept de la rivalité entre clans Yautjas avec un Predator envoyé pour confier à l'Humanité une arme pour se défendre (!). La créature principale est en images de synthèse, une trahison pour les amateurs de monstres (!!). Il y a des chiens Predator (!!!). Et surtout, le dernier tiers, retourné à la hâte après des projections-tests désastreuses, n’a aucun sens. Bref, un film malade qui a vraiment énervé le gardien du temple que je suis. Au suivant !
Prey (2022)
Et puis, heureusement, Dan Trachtenberg a repris la main. Révélé par le huis clos post-apocalyptique 10 Cloverfield Lane (2016), le cinéaste décide de revenir au côté primal du film original en remontant le temps avec Prey (2022). Aux côtés de Naru, une jeune femme de la nation Comanche (Amber Midthunder), on découvre un Yautja plus primitif mais tout aussi agressif qui traque Natives et trappeurs dans les grandes plaines de l’Ouest en 1719.
Presque abordé comme un film de wendigo -cette créature de la mythologie nord-américaine, le long métrage étonne par son audace visuelle, quelque part entre le survival à la The Revenant (2015) et la chasse à l’homme façon Apocalypto (2006). On apprécie sa simplicité narrative, qui ramène à ce que doit être un film Predator, et son respect pour les cultures amérindiennes (une version intégralement comanche est d’ailleurs disponible sur Disney+). Et il y a juste ce qu’il faut de fan-service (on découvre les origines du fameux pistolet « Raphael Adolini 1715 ») pour emporter le tout. Et convaincre Disney que la saga a encore des choses à raconter.
Predator : Killer of Killers (2025)
En 2025, Dan Trachtenberg, désormais intronisé showrunner en chef de la franchise, surprend les fans avec non pas un mais deux nouveaux longs métrages. Le premier, première incursion de la saga dans l’animation, sort directement pendant l’été sur Disney+. Predator : Killer of Killers (2025) est une anthologie composée de trois segments, qui nous entraîne à travers les siècles aux côtés de guerriers amenés à croiser le fer avec les Yautjas : une Viking impitoyable (qui revisite ici le mythe de Beowulf), un samouraï du Japon féodal (doublé par Louis Ozawa, déjà à l’affiche de Predators) et un pilote latino-américain de la Seconde Guerre mondiale (Rick Gonzalez donne la réplique au légendaire Michael Biehn).
Au croisement de Love, Death & Robots (2019) pour la narration et de Ninja Turtles : Teenage Years (2023) pour l’animation, le film est une assez bonne surprise. Trois époques, de la SF, des Predators : je m’attendais à quelque chose d’assez indigeste et j’ai découvert au contraire une proposition intéressante, qui creuse la mythologie Yautja sans occulter la violence inhérente à la saga. Et l’histoire parvient, dans sa quatrième partie, à réunir les protagonistes et les époques de manière plutôt convaincante. Quant au final, rallongé par Disney+ quelques semaines après la mise en ligne du film, il augure du meilleur pour la suite.
Predator : Badlands (2025)
En véritable amoureux du Predator, on sent que Dan Trachtenberg a non seulement voulu surprendre mais qu’il a aussi cherché une idée pour permettre au chasseur de gagner. Predator : Badlands (2025) est ainsi le premier épisode de la franchise à faire d’un Yautja le personnage principal. En l'occurrence un jeune extraterrestre baptisé Dek (Dimitrius Schuster-Koloamatangi), rejeté par son clan et son propre père car jugé trop faible. Sauvé par son grand frère, il parvient à s'enfuir vers une planète lointaine où vit le Kalisk, une proie légendaire qui pourra lui permettre de regagner son honneur de chasseur.
Un film avec un Predator attachant, démasqué et parlant, est-ce que ça marche ? En partie, même si on peut regretter l’humanisation trop poussée du personnage. On devrait en effet craindre le monstre plutôt que craindre pour lui... Mais son duo improbable avec une androïde Weyland-Yutani défectueuse (Elle Fanning) fonctionne, et on apprécie le soin apporté à la faune et la flore de Genna ainsi qu’à la langue Yautja. Et j’aime bien le parcours de Dek, rapidement désarmé et contraint de se fabriquer un arsenal à partir des ressources de la planète. Le vrai pari du film, finalement, c’est d’adhérer -ou pas- à un Predator dans une position de héros. Et ça, ça dépend vraiment de chacun pour le coup. En attendant, le box-office a parlé avec les recettes les plus élevées de l’histoire de la saga. Le feu vert pour une suite sur Yautja Prime ?














































































































