Le péplum est un genre cinématographique presque aussi vieux que le cinéma lui-même (on trouve les premières œuvres dès 1896). Héritier du théâtre et de l’opéra, il doit son nom au long vêtement grec, sorte de tunique ou de toge portée dans l’Antiquité, qui symbolise donc l’époque dans laquelle l’action prend place, que ce soit l’Egypte, la Grèce, l’Empire Romain, la Perse ou divers épisodes bibliques.
Très impressionnant visuellement (du moins quand le moyens sont au rendez-vous, on pense aux gargantuesques Quo Vadis, Ben-Hur, Cléopâtre, La Tunique ou Les Dix Commandements durant l’âge d’or des années 50 et 60), le péplum peut aussi vite être « ringardisé », avec ses discours pompeux, sa surenchère visuelle, ses muscles huilés et son érotisme bon marché. C’est ainsi que le genre connaît un véritable déclin à partir des années 70, se cantonnant -exception faite de quelques films remarqués comme Caligula ou Le Choc des Titans- à des productions bis italiennes et laissant petit à petit la place à la fantasy de Conan et autres Willow.
Et puis, au début des années 2000, les jupettes en cuir et les toges font leur grand retour. Essentiellement grâce à un film : immense réussite formelle, narrative et financière, Gladiator de Ridley Scott lance un nouvel âge d’or du péplum où émergent des superproductions comme Troie (2004), Alexandre (2004), La Passion du Christ (2004), Rome (2005-2007), Agora (2009), Centurion (2010), Le Choc des Titans (2010), Spartacus (2013-2013), Noé (2014), Hercule (2014), Pompéi (2014), Ben-Hur (2016) ou… Exodus: Gods and Kings (2014) encore signé Ridley Scott.
Tout au long de ces deux décennies, le cinéaste continue de caresser l’idée et l’espoir de donner une suite à ses spectacles de gladiateurs. Un projet qui se concrétise en 2024 avec un second volet spectaculaire mais moins bien reçu que son prédécesseur. Just Watch vous dit tout sur les deux films. Avec force. Et honneur.
Gladiator (2000)
Ce n’est peut-être pas le plan le plus iconique de Gladiator (2000), et pourtant il raconte tout de son héros en quelques secondes : un soldat au visage fatigué jette un oeil à l’envol d’un rouge-gorge avec un petit sourire, avant de retrouver un regard sombre quand ses yeux se posent sur le champ de bataille germanique où il dirige l’armée romaine. Cette courte scène, la toute première tournée par Ridley Scott et Russell Crowe, montre avec subtilité ce que les deux hommes ont voulu incarner dans ce général émérite, laissé pour mort et devenu esclave puis gladiateur parce qu’il a refusé de prêter allégeance au nouvel Empereur…
Car la force de Gladiator, c’est de ne jamais sacrifier ses personnages sur l’autel du grand spectacle. Totalement habité par le rôle, Russell Crowe EST Maximus, alias « L’Espagnol », un guerrier capable de fédérer n'importe quelle armée autour de lui. Dans le rôle de Commode, Joaquin Phoenix livre une interprétation fiévreuse et tourmentée, qui laisse apparaître les failles d’un fils et d’un frère mal-aimé derrière le tyran. Face à eux, Connie Nielsen, Djimon Hounsou, Derek Jacobi, Oliver Reed et Richard Harris sont eux aussi très justes. Et si le film traverse aussi bien les années, c’est justement parce qu’il ne repose pas uniquement sur ses séquences d’action mais bien sur des protagonistes tangibles, profonds et incarnés.
Les scènes de combats, parlons-en. Elles sont dantesques et mémorables, avec à chaque fois exactement ce qu’il faut de durée, de chocs d’épées, de fracas de boucliers, d’éclaboussures de sang, et de feu, de poussière, de sable, de sueur et de larmes… Que ce soit dans une forêt européenne, une arène mauritanienne ou l’ovale du Colisée, face à des barbares, des chars ou des tigres, Ridley Scott orchestre les affrontements avec une maestria unique, magnifiée par la partition de Hans Zimmer et des plans vertigineux restituant le gigantisme de Rome. On y retrouve toute la violence brute et le sens de l’épique d’un Braveheart (1995), d’un Dernier Samouraï (2003) ou d’un Kingdom of Heaven (2005).
5 Oscars (dont Meilleur film et Meilleur acteur pour Russell Crowe, propulsé star mondiale grâce à son rôle) sont venus saluer le long métrage qui croise Spartacus (1960) et La Chute de L’Empire romain (1964) avec certes quelques incohérences historiques, mais beaucoup de modernité, de souffle, d’envergure et de coeur. Dans le film, Maximus lancé à ses hommes « Ce que l'on fait dans sa vie résonne dans l'éternité ». L’aura de Gladiator, qu’aucun film n’est parvenu à égaler depuis sa sortie, n’a pas fini de résonner dans l’Histoire du cinéma.
Gladiator II (2024)
Le succès mondial de Gladiator (plus de 465 millions de dollars de recettes dans les salles en 2000) et son triomphe critique font de lui le film séminal d’une nouvelle vague de péplums. On l’a vu. Et donnent, évidemment, des envies et des idées de suite à Ridley Scott et ses producteurs. Au fil des années, le projet passe par plusieurs pistes narratives, incluant ou non Russell Crowe, jusqu’à trouver sa forme définitive un quart de siècle plus tard dans Gladiator II (2024). Avec une ambition démesurée.
Pour ce second volet, on parle en effet d’un budget oscillant entre 250 et 310 millions de dollars selon les sources, qui permet à Ridley Scott de concrétiser à l’écran des affrontements ultra-spectaculaires et inédits, dont un siège maritime mené par une flotte de trirèmes, une lutte à mort contre des singes sanguinaires (!), un combat contre un rhinocéros monté par un gladiateur en armure (!!) ou une bataille navale en plein Colisée avec requins affamés en supplément (!!!). Là encore, la véracité historique n’est pas tout à fait respectée -comme Napoléon (2023), le film a fait hurler quelques historiens- mais le spectacle est plus que généreux même si un peu trop fantaisiste (on est plus ici dans la fantasmagorie de 300, 2007 et 300 : la naissance d’un empire, 2014).
Le casting est lui aussi généreux et très « hype », emmené par la fine fleur du cinéma hollywoodien actuel où les désormais incontournables Paul Mescal, Pedro Pascal et Joseph Quinn côtoient Connie Nielsen et Derek Jacobi, qui reprennent leurs rôles et assurent une continuité avec le film original. Mais s’il y a un acteur qui vole la vedette à tout le monde, c’est bien Denzel Washington. Dans le rôle de l’intense et machiavélique Macrinus, qui tire les ficelles en coulisses et manipule empereurs et sénateurs, il livre une performance inoubliable, à la limite du cabotinage, qui « éteint » quelque peu Paul Mescal. Ce dernier ne parvient malheureusement jamais vraiment à s’imposer comme un digne successeur de Russell Crowe malgré des ramifications filiales entre les deux personnages.
Le film pâtit clairement de cette comparaison entre les deux acteurs, mais plus globalement d’une ressemblance trop évidente avec Gladiator : au lieu de le réinventer, on refait le même film avec plus de moyens mais moins de surprises. On est donc déçu devant cette proposition, comme on a pu l’être face aux Terminator post-Jugement Dernier (1991), à Indiana Jones et le Royaume du Crâne de Cristal (2008) à Star Wars : Le Réveil de la Force (2015) ou à Matrix Resurrections (2021)... C’est spectaculaire, c’est bien fait, les comédiens sont solides, mais il y un sentiment de redite qui rend l’entreprise vite oubliable. Voire inutile. Les résultats au box-office (le film a engrangé moins que Gladiator) en attestent. Sauf… si on commence la saga par Gladiator II. Car c’est tout à fait possible ! Et dans ce cas, le premier opus fera office d’excellent prequel, teasé par le générique de Gladiator II qui revisite ses scènes les plus emblématiques (attention aux spoilers !).










































































































