C’était pas sa guerre… Et pourtant, entre 1982 et 2019, John Rambo a pris les armes à cinq reprises sur grand écran, passant du film indépendant au blockbuster musclé avant deux derniers volets désenchantés et crépusculaires.
Comme il l’a fait pour le volubile boxeur Rocky Balboa, Sylvester Stallone a accompagné l’intégralité des aventures de son soldat mutique, vétéran traumatisé par ses combats au Vietnam devenu indésirable dans son propre pays. Voir ou revoir les films de la saga Rambo, c’est s’attacher à l’arc de ce personnage certes redoutable mais surtout tragique, malheureusement trop souvent caricaturé. C’est aussi revisiter la carrière de Sylvester Stallone, et avec elle les évolutions du film d’action hollywoodien des quarante dernières années.
JustWatch vous propose le guide streaming de la saga Rambo, et les plateformes où retrouver les 5 longs métrages de la franchise en France.
Rambo (1982)
Dans l’imaginaire collectif, John Rambo est une montagne de muscles huilés, éliminant des armées entières à lui seul, mitrailleuses en main dans une zone de guerre exotique. Ce serait oublier que le premier Rambo, adapté d’un roman de David Morrell et sorti en 1982 outre-Atlantique et l’année suivante en France, est aux antipodes de cette description. Le film se déroule en effet entièrement sur le sol américain, dans une petite bourgade du nord-ouest des Etats-Unis, et l’ancien béret vert n’y tue… absolument personne ! Il déclare d’ailleurs ne pas être responsable d’avoir versé le « premier sang » (le livre comme le film ont pour titre original First Blood), lui qui est victime du shérif local (Brian Dennehy) qui ne voit en lui qu’un vagabond à malmener et éloigner au plus vite.
Sept ans avant Né un 4 juillet (1989), John Rambo est le symbole de vétérans traumatisés par les horreurs de la guerre qui ne trouvent plus leur place une fois revenus chez eux, « au pays » qui ne veut plus d’eux malgré le sang versé et les séquelles psychologiques. Harcelé, incompris, tourmenté, mutique et profondément attachant, le personnage est aussi un expert de la guérilla en territoire hostile (ici la forêt, la mine et la ville), ce que ses poursuivants en uniforme vont rapidement découvrir… Au final, le long métrage est un mélange -un peu macho, pas UN personnage féminin à l’horizon- entre survival et critique sociale. A l’image du monologue tragique et déchirant du soldat (à regarder en VF pour la voix d’Alain Dorval) face à son ancien supérieur (Richard Crenna). Comme avec Rocky Balboa, Stallone ajoute un deuxième personnage iconique à sa filmographie. Mais qu’on se le dise, on n’est donc pas du tout dans un film de guerre ici !
Rambo II : la mission (1985)
Si vous cherchez un « vrai » film de guerre, du moins s’inscrivant dans les attentes explosives qu’on peut avoir du genre dans les années 80, Rambo II : la mission (1985) répondra à vos attentes. Après le succès surprise du long métrage original (160 millions de dollars de recettes mondiales pour un budget dix fois inférieur et une sortie en Chine, une première pour un blockbuster US), Hollywood cherche immédiatement à lancer une suite. Un jeune James Cameron, qui n’a pas encore réalisé Terminator (1984), travaille sur le scénario avec Sylvester Stallone pour un résultat qui tranche avec l’ambiance du film original. Ce second épisode est un film musclé et spectaculaire, qui voit le soldat reprendre du service pour documenter les camps de prisonniers de guerre qui continuent d’exister secrètement dans la jungle vietnamienne. Mais Rambo étant Rambo, la mission d’infiltration et d’observation tourne rapidement à la mission de sauvetage.
C’est vraiment avec ce film que l’iconographie « ramboesque » rentre dans la culture populaire : muscles, cicatrices, bandeau dans les cheveux, couteau Bowie à la ceinture, arc à pointes explosives, mitrailleuse massive, munitions illimitées, bodycount à rallonge… Rambo devient le guerrier ultime, capable de régler un conflit à lui tout seul même quand ses supérieurs l’abandonnent sur le terrain. Beaucoup d’enfants et d’adolescents des 80’s ont grandi avec le poster de Rambo II accroché au mur de leur chambre. J’en fais partie. Peut-être parce que le soldat est ici transformé en super(anti)héros puissant et increvable, personnage principal d’un jeu d’arcade à la Opération Wolf. On y perd évidemment toute la subtilité et la psychologie du premier opus pour un spectacle bourrin, pyrotechnique et patriotique, parfaite incarnation (et propagande ?) de l’Amérique reaganienne. Il faut aimer, mais en tout cas, les dollars pleuvent.
Rambo III (1988)
Ce succès mondial entraîne Rambo III (1988) dans une surenchère de moyens. Disposant, à l’époque, du plus gros budget de tous les temps (63 millions de dollars), ce troisième chapitre remplace transpose l’action de la jungle humide du Vietnam aux paysages rocailleux d’Afghanistan où le Colonel Trautman (Richard Crenna) a été fait prisonnier par l’armée soviétique : Rambo, qui avait initialement refusé la mission, décide de partir délivrer son mentor, liant ainsi son destin au combat mené par les moudjahidines afghans contre l’envahisseur russe (mené par l’acteur français Marc de Jonge, le patron d’Alain Chabat dans La Cité de la peur !). Soyons clairs, c’est l’épisode le moins apprécié du grand public. Du moins celui qui divise le plus. Car on peut finalement apprécier cette débauche de séquences explosives de deux façons radicalement différentes. Et opposées.
D’un côté, les fans d’action pure et dure apprécieront le long métrage comme le divertissement bourrin qu’il est devenu, une sorte de BD en prises de vues réelles rythmée par la mécanique infiltration / évasion / explosions (très impressionnantes pour le coup) qui a fait le succès de son prédécesseur. De l’autre, le public allergique aux récits manichéens et caricaturaux sera horrifié par la proposition de Stallone, dont le personnage semble n’être plus qu’une marionnette propagandiste en cette fin de Guerre Froide. Il y a peut-être un entre-deux susceptible de réconcilier les deux camps : voir en Rambo III un blockbuster nanar aux scènes surréalistes (qui gagne entre un tank et un hélicoptère Mi-24 ?) et aux répliques inspirées (« Dieu aurait pitié… par Rambo »), qui fait presque autant rire que sa parodie Hot Shots ! 2 (1993). En tout cas, le film va nuire à la franchise mais aussi à la propre carrière de « Sly » alors que le public commence à se lasser des action-heroes musculeux. A tel point que les Razzie Awards, qui célèbrent chaque année le pire d’Hollywood, accordent au film 5 nominations et décernent à Stallone la statuette du Pire acteur. On ne reverra plus Rambo pendant vingt ans.
John Rambo (2008)
Au milieu des années 2000, Sylvester Stallone redonne vie aux deux personnages iconiques de sa carrière : Rocky Balboa (2006) et John Rambo (2008). Ce quatrième film est le seul chapitre de la franchise réalisé par la star et, de son propre aveu, le film d’action dont il est le plus fier au sein de sa prolifique filmographie. Le long métrage tranche avec les deux précédents opus, et retrouve la noirceur du Rambo original, agrémenté d’une ultra-violence critiquée au moment de la sortie. En situant le récit en Birmanie où Rambo vient au secours d’une mission humanitaire capturée par la junte militaire locale alors qu’elle cherchait à venir en aide au peuple karen, Stallone montre toute l’horreur de la guerre civile dans un bain de sang inédit dans la saga. Les explosions cartoonesques des années 80 laissent ici la place au sang et aux tripes, aux violences sexuelles aussi, et l’ancien béret vert est ramené malgré lui à ce qu’il sait faire le mieux : tuer. Et salement.
C’est, personnellement, mon opus préféré de la franchise, porté par un Rambo presque bestial, au regard éteint, forcé de se salir à nouveau les mains pour essayer de sauver un peu de « bon », quand bien même cela ne sera jamais assez pour changer le cours des choses. Contrairement aux deuxième et troisième épisodes, à la fin du long métrage, alors qu’il contemple le champ de bataille depuis le haut d’une colline, on sent le personnage, jadis si héroïque, totalement impuissant face aux horreurs d’un monde qui sombre constamment dans la guerre et l’autodestruction. Aux Etats-Unis, le film s’intitule Rambo (le premier film était baptisé First Blood) : comme si c’était finalement le chapitre qui captait le mieux l’identité du personnage. A noter par ailleurs qu’en alliant ses forces à un commando de mercenaires dans sa mission de sauvetage, Stallone plante les premières graines de ce qui donnera Expendables : Unité Spéciale deux ans plus tard.
Rambo : Last Blood (2019)
Malgré le succès de John Rambo, Sylvester Stallone, occupé par sa nouvelle franchise Expendables (2012-2023), ne décide de retrouver son anti-héros que onze ans plus tard pour un dernier baroud d’honneur. Enfin rentré chez lui en Arizona, Rambo doit faire face au cartel mexicain qui a kidnappé, drogué et prostitué sa nièce adoptive. Et c’est à travers un jeu de massacre vengeur, d’une violence et d’une sauvagerie extrêmes (le final est une sorte de Maman j’ai raté l’avion ! aux pièges vicieux et aux mises à mort ultra-sanglantes), que le soldat va définitivement dévoiler la bête de guerre qui sommeille en lui et qui se réveille quand on lui « arrache le cœur ». La paix n’aura finalement jamais été pour Rambo.
37 ans après First Blood, le Last Blood (2019) qui accompagne ce cinquième volet -au sous-texte quelque peu réactionnaire et au budget limité- confirme bien la fin de l’arc narratif du personnage. Même si un projet de série centrée sur ses jeunes années dans l’armée refait régulièrement surface, Stallone en a définitivement terminé avec un anti-héros qui l’aura accompagné durant quatre décennies. A ce propos, terminons par une anecdote méconnue : dans le montage initial du film original, Rambo se donnait la mort en se tirant dans le ventre sous les yeux du Colonel Trautman (Richard Crenna) ; c’est finalement une fin alternative, dans laquelle Rambo se rend et survit, qui a été préférée, donnant à l’ancien béret vert le champ libre pour la suite de ses aventures. La séquence de sa mort est toutefois visible sur Youtube, et voir Rambo tomber sur le champ de bataille, il faut l’avouer, ça fait quelque chose !